La santé de la femme: Des chiffres institutionnels loin de la réalité

LA SANTÉ DE LA FEMME DISSÉQUÉE PAR L’ASSOCIATION DE PLANIFICATION

Des chiffres institutionnels loin de la réalité

Le Soir d’Algérie, 10 mars 2013

En matière de santé de la femme, entre les chiffres officiels et la réalité du terrain, le fossé est énorme. Le constat est de l’Association algérienne de planification familiale (AAPF). L’accès à la contraception, la possibilité de procéder à une ligature des trompes après plusieurs grossesses et les conditions dans lesquelles les femmes accouchent sont autant de problématiques soulevées.
Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Pas de langue de bois à l’Association de planification familiale. Son président, le Pr Kabouya, rejette en bloc les chiffres émanant des institutions officielles et affirme qu’on ne peut évoquer la santé sans s’intéresser au bien-être. Un bienêtre, dit-il, qui ne peut être associé aux conditions dans lesquelles les femmes accouchent en Algérie. Pour le président de l’AAPF, le chiffre de 90% de femmes qui accèdent à des structures médicales pour accoucher ne signifie strictement rien lorsqu’on connaît les conditions dans lesquelles elles sont accueillies et que le taux de mortalité maternelle reste le plus élevé en Afrique du Nord et que celui de mortalité infantile reste également élevé. Il intervenait au cours d’une conférence consacrée à la santé de la femme et au cours de laquelle le Dr Bendib, un des membres fondateurs de l’Association de planification, a fait également savoir qu’il aurait aimé que les chiffres institutionnels puissent coller davantage à la réalité. Il a soulevé la problématique des demandes d’arrêt total de la reproduction non satisfaite. Chiffres à l’appui, il dira que si entre 1986 et 2002, l’Algérie a connu une baisse rapide de la natalité, la tendance a vite été renversée depuis avec près d’un million de naissances en 2011. Le Dr Bendib estime que les demandes actuellement formulées par les femmes sont relatives à l’arrêt définitif de la reproduction et sont supérieures de 50% des demandes de méthodes contraceptives. Des femmes qui se heurtent à la non-prise en charge de cette problématique par manque de cadre législatif permettant au corps médical d’apporter les solutions aux problèmes posés. En effet, le législateur algérien considère la ligature des trompes par exemple comme une mutilation et peut conduire à des poursuites judiciaires. La justice peut, en effet, juger l’argument de la santé de la femme comme motif d’arrêt définitif de la reproduction comme non-recevable. Le Pr Sadi, du CHU Mustapha, estime que le problème est posé au quotidien et que les médecins tentent d’y répondre comme ils peuvent mais «ont les mains liées par la loi sanitaire». Réponse du Pr Kabouya à ce sujet : c’est aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités en prenant les décisions qui s’imposent face à une démographie galopante. Une décision qui risque de se faire attendre face aux résistances de la société.
N. I.