Djilali Hadjadj dénonce les violations du code des marchés publics

Djilali Hadjadj dénonce les violations du code des marchés publics

La Nouvelle République, 11 novembre 2006

«Le président de la République est sûrement trompé par son Exécutif.» C’est l’intime conviction de Djilali Hadjadj, président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), antenne algérienne de l’ONG Transparency International (TI), lorsqu’il évoque la multiplication des violations du code des marchés publics.
Pour l’AACC, le chef de l’Etat reçoit des rapports «erronés» de la part de son chef du gouvernement, ainsi que des membres de l’Exécutif sur le processus d’octroi des marchés, notamment en ce qui concerne les grands projets.
Ces rapports, d’après Djilali Hadjadj, mettent l’accent sur la lourdeur du dispositif de sélection des entreprises ainsi que sur le caractère «urgent» des chantiers à finaliser dans le cadre du plan quinquennal.
Avec ses deux arguments, le gouvernement, selon le président de l’AACC, met le président Bouteflika devant le fait accompli. C’est ainsi que les départements ministériels «s’autorisent» à outrepasser le cadre fixé par le code des marchés publics en recourant «abusivement» à la procédure du «gré à gré».
Pour précipiter le processus, il est recouru à la multiplication des avis d’infructuosité en un laps de temps record.
Il y a, également, fait remarquer Djilali Hadjadj, l’octroi de marchés alors qu’il n’y a qu’un seul soumissionnaire, ce qui constitue «une flagrante violation» du code des marchés publics.
L’Association algérienne de lutte contre la corruption soutient que la violation du code des marchés publics fait le lit de la corruption d’autant plus qu’avec les 100 milliards de dollars que l’Etat a dégagés d’ici à 2009 pour les dépenses publiques, les convoitises ne se retrouvent que plus attisées. Et les exemples ne manquent pas, dit Djilali Hadjadj.
L’affaire Sonatrach-BRC ainsi que le scandale de l’hôpital civile d’Oran illustre le degré d’«intégration» de la corruption dans l’octroi des marchés publics.
Pis encore, ajoute le porte-parole de l’AACC : l’absence de sanctions. Sur l’exemple de l’affaire Sonatrach-BRC, Djilali Hadjadj soutient que «les pouvoirs publics auraient dû très rapidement prendre des mesures conservatoires très fermes à l’encontre des responsables de ces institutions – ministre de l’Energie et des Mines et P-DG de Sonatrach et de BRC- et accélérer les procédures judiciaires». Pour l’AACC : «Ces responsables devraient tous démissionner.»
Et ce n’est pas Tayeb Belaïz, ministre de la Justice et garde des Sceaux, qui démentira l’engluement de l’administration algérienne dans les affaires de corruption. A partir de Pékin, où il assistait à la première conférence annuelle de l’Association internationale des responsables anti-corruption (IAACA), M. Belaïz, seule voie de l’Exécutif à dénoncer la corruption, a indiqué que «les pratiques de corruption sont légion dans notre pays et constituent un phénomène assez fortement enraciné dans la société». pour M. Belaïz, ces pratiques se situent «particulièrement dans certaines administrations publiques en rapport avec le privé».
Sauf qu’entre le ministre de la Justice et le président de l’AACC, le point de divergence se situe dans la volonté de lutter contre la prolifération de la corruption. Au moment où M. Belaïz parle de volonté politique réelle, M. Hadjadj renvoit à l’absence d’actes concrets.
Les cadres de l’Inspection générale des finances (IGF), ainsi que les magistrats de la Cour des comptes subissent des pressions énormes allant jusqu’à leur exiger de «modifier les chiffres rapportés dans les rapports». Outre l’absence de moyens suffisants, les cadres de ces institutions font face à des «mutations arbitraires». M. Hadjadj revient sur l’affaire qui fait l’actualité, à savoir celle du tandem Sonatrach-BRC. Il s’interroge sur la mutation du directeur de l’IGF à la commission du traitement du renseignement financier au lendemain de la déclaration du scandale.
Le président de l’AACC considère, en ce qui concerne la gestion des dépenses publiques dans le cadre du programme présidentiel, que «les pouvoirs publics ont mis la charrue avant les bœufs». En effet, les allocations budgétaires ont précédé la création du haut commissariat à la planification.

11-11-2006
M. Zentar