Ras El-Aïn, une bombe à retardement

Des milliers de personnes y vivent dans un danger omniprésent

Ras El-Aïn, une bombe à retardement

par Salah C., Le Quotidien d’Oran, 27 février 2011

Ras El-Aïn, le quartier fait partie de l’agglomération d’Oran mais reste paradoxalement loin de l’intégration.

La raison évoquée par des chercheurs qui ont planché sur ce site réside dans le fait que depuis des années, les responsables locaux ont toujours songé à raser ce «favela», considéré comme le plus ancien du pays et qualifié en 2002, souvenons-nous, par un ministre de «véritable enfer». Aujourd’hui, d’aucuns s’interrogent sur ce qu’il adviendrait de la population y habitant si un séisme ou des inondations importantes venaient à se produire. Ce serait, sans aucun doute, une catastrophe aux conséquences des plus néfastes. Une véritable bombe à retardement, les habitations étant construites en escalier sur le flanc de la montagne.

Le dernier responsable qui avait soutenu le projet a été un ancien wali d’avant 2005 qui, en lançant une enquête avec comme objectif de transférer quelque 12.000 ménages, avait entamé un projet d’envergure auquel a même adhéré la Banque mondiale. Une fois achevé, le site de Ras El-Aïn et des Planteurs devait être transformé en forêt urbaine qui pouvait être le poumon d’Oran. Cependant, les urbanistes considèrent que même si cette zone, considérée parmi les premières à avoir abrité les premières populations autochtones, il n’en demeure pas moins que si avant l’indépendance l’administration coloniale avait négligé sciemment ce quartier, les responsables locaux qui se sont succédé après 1962 ont eux aussi été pour une grande part responsables de la marginalisation du quartier qui a pris une autre dimension suite à un exode rurale massif à partir des années 70. Même sur un terrain accidenté, il était possible, estiment-ils, d’effectuer des aménagements urbains notamment en matière d’accessibilité. Sur ce plan, force est de constater que dans la majorité des îlots, l’accès ne peut être effectué qu’à pied et, pour preuve, la collecte des ordures ménagères se faisait dans un passé récent à dos de mulet avant que des bacs à ordures ne soient installés pour faciliter la tâche des équipes d’éboueurs. Il faut dire également que l’absence de réseaux d’assainissement et d’eau courante rend la situation hygiénique de ce «quartier» des plus précaires. L’urbanisation sauvage a engendré une occupation du sol dans un premier temps vers la forêt du Murdjadjo donnant naissance à l’actuel quartier des Planteurs, alors que dans un second, c’est toute la zone du ravin vers le mont qui a été occupée. Aujourd’hui, tous les fonds d’oueds sont occupés et de visu on a pu découvrir des familles habitant des grottes, comme si on a fait un galop dans l’histoire étant donné que des vestiges d’une présence humaine remontant à l’ère du néolithique ont été confirmés. Au niveau de cette zone qui jouxte l’autre favela cachée, à savoir Kouchet El-Djir, en référence à une carrière de chaux aujourd’hui fermée, les risques d’éboulement sont omniprésents, ainsi que les risques d’inondation en cas de fortes précipitations. En revanche, ce sont les populations occupant le versant nord du mont du Murdjadjo, qui longe l’actuelle pénétrante, que les risques sont importants notamment des affaissements, éboulements et autre coulées de boue en cas de fortes pluies. Même si beaucoup de familles ont été transférées, il n’en demeure pas moins que d’autres sont toujours en place et le spectre d’une catastrophe hante les occupants avec les images désastreuses du dernier sinistre remontant à quelques années seulement. On a avancé pompeusement que l’arrivée du téléphérique qui traverse le site avec une halte près du Belvédère allait constituer un début de désenclavement de toute la zone. Mais, rien n’y fit et ce site reste encore enclavé et une étude sociologique a démontré que les habitants ne se disent jamais concernés par ce qui se passe à Oran, la cité qu’ils contemplent de loin et sur laquelle ils ont un panorama de choix. La limite de leur territoire est le boulevard Khedim (ex-Stalingrad) à Sidi El-Houari. D’ailleurs, les premières familles transférées à Haï Yasmine ont éprouvé moult difficultés pour s’adapter à un milieu urbain conçu en hauteur alors qu’elles ont été habituées à une autre configuration. Tout compte fait, Ras El-Aïn mérite un peu plus d’égards, étant donné que les pouvoirs publics doivent trancher définitivement et trouver la solution la plus salutaire car à la longue elle constituera une tache urbaine pour une ville qui ambitionne, selon le discours officiel, de conquérir une dimension méditerranéenne.