Travail et exploitation des enfants

TRAVAIL ET EXPLOITATION DES ENFANTS

La situation en Algérie n’est pas inquiétante, selon l’OIT

Le Soir d’Algérie, 13 juin 2006

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Inspection générale du travail et le ministère algérien du Travail et de la Sécurité sociale, la situation en Algérie n’est nullement inquiétante en matière de travail des enfants. En fait, notre pays n’est pas concerné par les cas de pires formes de travail des enfants, selon le constat dressé hier au siège de ce ministère lors d’une journée d’information et de sensibilisation coïncidant avec la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants.

Ainsi, selon le bilan de l’Inspection du travail, sur 13 999 procès-verbaux d’infractions à la législation du travail, seulement 5 P-V ont été dressés en 2005 concernant le non-respect de l’âge légal, soit un taux de 0,085%. Une enquête réalisée par les services de cette inspection, en 2002, a relevé que sur 5 847 entreprises contrôlées occupant un effectif de 16 895 employés, il a été constaté que 95 jeunes travailleurs n’atteignant pas l’âge légal au travail exerçaient une activité salariale, soit un taux de 0,56%. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle ordinaire, le bilan de l’Inspection du travail de 2004 fait ressortir que sur 6,049 procès- verbaux dressés, il a été enregistré seulement 26 P-V d’infractions portant sur le non-respect de l’âge légal au travail, soit 0,42% du total des procès-verbaux. Tel qu’affirmé par le directeur du bureau de l’OIT à Alger pour les pays du Maghreb, Sadok Ben Hadj Hassine, mais aussi par le ministre du Travail, Tayeb Louh, l’emploi des enfants a lieu généralement dans le secteur agricole, le commerce et au sein des familles, notamment démunies. Un travail des enfants quasi insignifiant dans le secteur légal, selon le représentant de l’OIT, cette organisation saluant, selon lui, l’action algérienne en matière législative et de généralisation de l’enseignement et de la formation professionnelle. Soit, selon Tayeb Louh, affirmatif de même, l’employabilité des enfants reste marginale dans notre pays comparée à celle d’autres pays dans le monde, nos mineurs ne subissant pas, selon lui, d’exploitation illicite et des astreintes pénibles. Et de relever, avec satisfecit, que notre pays a ratifié nombre de conventions internationales relatives à l’enfance. En outre, l’Algérie a, selon lui, engagé nombre d’actions de sensibilisation et de lutte sur le terrain législatif et pratique dont la mise en place en 2003 d’une commission de coordination intersectorielle permanente, outre le lancement en 2006 d’un programme ambitieux dont une campagne de sensibilisation «été sans travail des enfants». Néanmoins, Tayeb Louh a estimé qu’au-delà des mesures législatives répressives, l’accent doit être mis sur l’action continue et le travail collectif impliquant non seulement les pouvoirs publics, mais aussi la société civile, les organisations syndicales, les employeurs, les travailleurs, les associations de parents et les familles. Appelant à une lutte contre ce type de travail qui doit revêtir le caractère obligatoire, il a aussi appelé à mettre l’accent sur le principe de prévention. Cela même si, pour le ministre du Travail, se pose le problème du travail informel et du chômage persistant et qu’il soit difficile de vérifier ce que font les enfants à l’issue de leurs cours. De fait, un principe de prévention qui sous-tend aussi, selon Tayeb Louh, le projet de loi sur la protection de l’enfance, en voie de finalisation et qui sera présenté prochainement au gouvernement.

Chérif Bennaceur


SELON UNE ENQUETE DE LA FOREM

En Algérie, entre 250 000 et 300 000 enfants travaillent

Le Soir d’Algérie, 13 juin 2006

Une enquête sur l’exploitation des enfants menée par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) a démontré que sur un échantillon de 3000 personnes âgées de moins de 18 ans, 2,89% travaillent. Ces deniers, payés au rabais, sont dans la majorité des cas exploités dans les secteurs du bâtiment et de l’agriculture.

A l’échelle nationale sur une population enfantine d’environ 10 millions, cela représente entre 250 000 à 300 000 enfants travailleurs «au vu et au su de tout le monde». Un chiffre énorme et qui, de surcroît, ne prend en compte que les enfants employés dans des lieux conventionnels (usines, entreprises, exploitations agricoles…) et exclut donc ceux travaillant comme vendeurs de cigarettes, vendeurs à la sauvette. Les résultats de cette étude qui s’est étalée sur une année dans une dizaine de wilayas dont Alger, Blida, Boumerdès, Aïn Defla, Bouira, Tizi-Ouzou, Tipaza et Tiaret, ont été présentés hier par le directeur exécutif de la Forem, Abdelhak Mekki, lors d’une conférence de presse organisée au siège de la fondation à Alger. «Nous voulons attirer l’attention des pouvoirs publics et des citoyens sur la situation des enfants qui va en s’aggravant », a précisé Abdelhak Mekki. Pour la seule wilaya de Tiaret, 250 entreprises employant des enfants ont été recensées. La pauvreté est de loin la première cause avec l‘échec scolaire et l’économie informelle qui poussent les enfants à travailler. Le constat est alarmant en dépit des programmes de lutte contre le travail des enfants engagés par les pouvoirs publics. De plus, l’Algérie a ratifié la Convention internationale sur les droits des enfants le 19 décembre 1992 en émettant toutefois des réserves sur certaines dispositions contenues dans cette convention. Au plan réglementaire, la loi algérienne, même si elle interdit le travail des enfants de moins de 16 ans, autorise néanmoins leur recrutement avec une autorisation parentale ou du tuteur légal. Autant d’aberrations auxquelles il faut mettre un terme. «Les efforts de l’Etat visant à améliore les conditions sociales des enfants sont insuffisants devant l’ampleur du phénomène», avoue le directeur exécutif de la Forem en soulignant la nécessité de protéger l’enfant en instaurant un code de l’enfance et en promulguant un statut le concernant. L’Observatoire des droits de l’enfant, créé en 2005 grâce au soutien financier de l’Union européenne, œuvre à améliorer les conditions des enfants en Algérie à travers des études et des enquêtes menées sur différents thèmes tels que l’exclusion, les enfants des rues, les enfants handicapés, les enfants abandonnés et les enfants traumatisés par la violence sous toutes ses formes. Lotfi Mérad

L’innocence exploitée à 4 000 DA par mois
Il s’appelle Djamel. Il a 14 ans. Après avoir quitté les bancs de l’école, il est employé depuis six mois dans un garage de mécanique à Tiaret. Orphelin des deux parents, vivant dans une extrême pauvreté, Djamel travaille de 8 h à 15 h pour subvenir aux besoins de ses trois sœurs et sa belle-mère. Dans ce garage, sa tâche consiste à laver les moteurs des semi-remorques pour 4 000 DA par mois. Sans commentaire.
L. M.