Ce que coûtent les subventions à l’Etat

Exclusif : Un rapport confidentiel dresse l’état des lieux

Ce que coûtent les subventions à l’Etat

El Watan, 8 juin 2015

A l’heure où la conjoncture économique semble de plus en plus incertaine, la question des subventions refait surface et commence à accaparer toutes les attentions. De près de 254 milliards de dinars en 1999, les transferts sociaux sont passés à 1731 milliards de dinars en 2015. Les différentes subventions représentent près de 20%
du budget général de l’Etat.

En cette période de chute des recettes des hydrocarbures, le poids des transferts sociaux sur les dépenses de l’Etat se fait lourdement ressentir, même si l’Etat s’accroche au système des subventions. Un système dont les largesses ont été décriées bien avant l’avènement de cette crise pétrolière.

Entre les limites et les aberrations de cette politique, beaucoup a été dit. Cependant, la position du gouvernement n’a pas changé et les améliorations tardent à venir pour un système généralisé à toutes les catégories de la société quels que soient leurs revenus.
A chaque sortie médiatique sur cette épineuse question, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, défend bec et ongles ce choix considéré d’ailleurs comme le socle de la politique sociale du pays.

L’essentiel étant de préserver la paix sociale quitte à fragiliser le budget de l’Etat. «Nous ne reculerons jamais, nous resterons foncièrement sur cette voie», a martelé le Premier ministre à maintes reprises précisant que l’Algérie «ne peut pas ne pas aller dans cette direction». Avant que les ressources financières du pays ne s’amenuisent, Sellal évoquait comme argument les repères macroéconomiques positifs. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Mais aussi, différentes études montrent que cette stratégie de subventions profite beaucoup plus aux plus aisés de la société au détriment des couches vulnérables. Ces dernières ne bénéficient qu’occasionnellement d’aides spécifiques, comme c’est le cas actuellement avec l’approche du Ramadhan. Des changements s’imposent. Avec une dépense dédiée à la population la plus aisée qui correspond à 7 fois celle destinée aux couches défavorisées, des données récentes du ministère des Finances montrent la concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière. Elles soulignent surtout l’urgence d’aller vers cette réforme pour aller vers plus d’équilibre, d’efficience et d’efficacité.

Et ce, d’autant que les résultats de l’enquête de 2011 de l’Office national des statistiques (ONS) sur la consommation des ménages confirment cette tendance. En effet, la moitié de la population la moins aisée ne s’alloue que 28% de la part des dépenses annuelles globales. Parallèlement, les catégories qui ne sont pas réellement dans le besoin se voient attribuer 71% des dépenses globales. L’écart est donc énorme et ne fait que creuser davantage les inégalités sociales dans un pays où les distorsions régionales sont déjà importantes. Ce qui fait aussi grimper les dépenses d’année en année.


Les subventions source d’injustice sociale : Les incohérences d’un système à deux vitesses

En cette période de chute des recettes des hydrocarbures, le poids des transferts sociaux sur les dépenses de l’Etat se fait lourdement ressentir, même si l’Etat s’accroche au système des subventions.

Un système dont les largesses ont été décriées bien avant l’avènement de cette crise pétrolière. Entre les limites et les aberrations de cette politique, beaucoup a été dit. Cependant, la position du gouvernement n’a pas changé et les améliorations tardent à venir pour un système généralisé à toutes les catégories de la société quels que soient leurs revenus.

A chaque sortie médiatique sur cette épineuse question, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, défend bec et ongles ce choix considéré d’ailleurs comme le socle de la politique sociale du pays. L’essentiel étant de préserver la paix sociale quitte à fragiliser le budget de l’Etat.

«Nous ne reculerons jamais, nous resterons foncièrement sur cette voie», a martelé le Premier ministre à maintes reprises précisant que l’Algérie «ne peut pas ne pas aller dans cette direction». Avant que les ressources financières du pays ne s’amenuisent, Sellal évoquait comme argument les repères macroéconomiques positifs.

Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais aussi, différentes études montrent que cette stratégie de subventions profite beaucoup plus aux plus aisés de la société au détriment des couches vulnérables. Ces dernières ne bénéficient qu’occasionnellement d’aides spécifiques, comme c’est le cas actuellement avec l’approche du Ramadhan.

Des changements s’imposent. Avec une dépense dédiée à la population la plus aisée qui correspond à 7 fois celle destinée aux couches défavorisées, des données récentes du ministère des Finances montrent la concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière. Elles soulignent surtout l’urgence d’aller vers cette réforme pour aller vers plus d’équilibre, d’efficience et d’efficacité.

Et ce, d’autant que les résultats de l’enquête de 2011 de l’Office national des statistiques (ONS) sur la consommation des ménages confirment cette tendance. En effet, la moitié de la population la moins aisée ne s’alloue que 28% de la part des dépenses annuelles globales. Parallèlement, les catégories qui ne sont pas réellement dans le besoin se voient attribuer 71% des dépenses globales.

L’écart est donc énorme et ne fait que creuser davantage les inégalités sociales dans un pays où les distorsions régionales sont déjà importantes. Ce qui fait aussi grimper les dépenses d’année en année.

D’ailleurs, entre 2010 et 2015, les transferts sociaux se sont accrus de 39%. Rien qu’en 2015, ces aides représentent 19% des dépenses globales de l’Etat. Entre les céréales, le lait, l’huile, l’eau, l’énergie et les différentes formules de soutien (santé, retraites, éducation, allocations familiales, logement), les aides destinées aux démunis et autres catégories vulnérables viennent en dernière position.

Exemple, en 2015, le soutien aux démunis, aux handicapés et aux personnes à faibles revenus représente près de 9% des transferts sociaux contre 6% pour le soutien à l’éducation et plus de 2% pour les allocations familiales.

Ce dernier volet est le parent pauvre des aides de l’Etat. Censés apporter un revenu complémentaire aux travailleurs salariés de manière à prendre en charge les enfants, ces montants insignifiants rappellent aussi que de larges pans de la société sont oubliés de la politique sociale actuelle. C’est le cas des femmes célibataires sans ressources financières.

Ce qui explique d’ailleurs le recours excessif à l’emploi informel. Faute de revenus, elles sont fort nombreuses les femmes à exercer des activités dans un cadre informel (généralement à domicile).

Cela pour démontrer que les transferts sociaux dont le but est de modifier l’échelle des revenus sont distribués d’une manière généralisée sans aucune distinction entre les ménages démunis et ceux aisés, sans distinction aussi entre les consommateurs, les industriels et les transformateurs (pour ce qui est notamment des subventions dédiées à l’eau, l’électricité, le gaz, les céréales et la poudre de lait).

Le soutien aux produits alimentaires profite aux riches

A titre illustratif, le soutien au blé intervient aussi bien au profit des consommateurs à travers les prix administrés du pain et de la semoule qu’au profit des agriculteurs (en amont et en aval) en assurant entre autres l’achat de la production des agriculteurs locaux à des prix rémunérateurs.

Pour le lait, le soutien se fait à travers le système de régulation du produit (subventions à l’Office national interprofessionnel du lait) et via le Fonds de l’agriculture (compte d’affectation spécial). Mais comme c’est le cas pour les autres aides, les ménages les plus riches sont ceux qui profitent des subventions du lait selon une conclusion du ministère des Finances. Cette catégorie dépense deux fois plus que les ménages défavorisés en lait en sachet.

Ce qui fait qu’ils bénéficient du double des subventions théoriquement allouées aux couches démunies. Idem pour le lait frais.
Ces anomalies concernent par ailleurs les aides consacrées aux produits alimentaires de base, en l’occurrence l’huile et le sucre. Là aussi le ministère des finances a conclu que les ménages les plus riches en consomment deux fois plus que les ménages à faibles revenus.

Et ce, d’autant que même les produits superflus (pâtisseries, gâteaux, viennoiseries…) sont confectionnés à base de matières premières subventionnées. Le département des Finances dresse un constat similaire pour l’eau dessalée et les produits pétroliers. Des points soulignés à maintes reprises par les experts sans pour autant que les sonnettes d’alarme ne soient prises au sérieux. Toutes ces données démontrent les aberrations d’un système à deux vitesses.

Mais, ils soulignent surtout la nécessité d’aller à un système de ciblage et de passer à des aides via les transferts monétaires. Ce que reconnaissent les responsables du ministère des Finances. Comment ? Pour de nombreux experts, difficile dans le contexte actuel.
Pourquoi ? «Tout simplement parce que l’Etat ne dispose pas d’un outil statistique fiable», a expliqué jeudi dernier le professeur Arezki Souak, de l’Ecole supérieure algérienne des affaires (ESSA) sur les ondes de la radio internationale.

En attendant de mettre en place un tel outil que viendra compléter l’étude sur la pauvreté en phase d’élaboration au niveau de l’ONS, il y a lieu, de l’avis de nombreux experts, de commencer par réduire les subventions aux produits importés.

C’est ce que préconise l’économiste Lyes Kerrar. Et ce, tout en allant vers une transition du système de redistribution sociale. «A travers sa forme actuelle, le système favorise beaucoup plus le gaspillage, notamment l’énergie», précise à ce sujet l’expert. C’est le cas aussi pour les céréales et la poudre de lait : «on a choisi d’avoir des mécanismes de subvention des produits importés. Or, il faut le faire sur la production locale. Il y a moyen de le faire», notera encore M. Kerrar. D’anciens ministres des Finances ont déjà dressé ce constat.

Quand les subventions favorisent le gaspillage

Abdelkrim Harchaoui a également parlé de gaspillage : «Toutes les subventions, quand elles ne ciblent pas les catégories sociales qui en ont le plus besoin, peuvent être considérées comme du gaspillage», a-t-il relevé dans l’une de ses interventions en 2014, évoquant même des «dérèglements du marché à travers des fraudes multiples». Même conclusion du côté de Abdellatif Benachenhou qui, au terme d’une étude réalisée en 2013, a parlé «d’injustice sociale colossale».

Par ailleurs, le rapport du Fonds monétaire international d’octobre 2014 sur les subventions énergétiques et alimentaires dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), intitulé «Subventions corrosives», estime les subventions en Algérie trop «coûteuses».
Pour le FMI, au même titre qu’à Bahreïn et au Sultanat d’Oman, en Algérie le système des subventions profite surtout aux riches.

«Dans ces pays, la réforme des subventions pourrait financer des dépenses plus ciblées et mieux protéger les pauvres et pourrait également soutenir les dépenses de production pour les générations futures une fois que les réserves de pétrole seront épuisées», avait conclu en octobre dernier le document.

Pour commencer à préparer les Algériens à cette réforme, les experts algériens préconisent de lancer une campagne de communication et d’éducation.
Samira Imadalou