Des réserves en devises à hauteur de 113 milliards de dollars en 2019

Evolution de la situation financière du pays

Des réserves en devises à hauteur de 113 milliards de dollars en 2019

Liberté, 13 octobre 2016

Pour parvenir à ce résultat, le gouvernement table sur une croissance des exportations d’hydrocarbures et une baisse importante des importations.

Dans le document intitulé “Nouveau modèle économique”, est inséré un ensemble d’indicateurs sur l’évolution de la situation financière du pays. Les chiffres renvoient à des prévisions du gouvernement. Dans cette feuille de route, les réserves en devises devraient atteindre 113, 4 milliards de dollars en 2019. Elles passeront de 127,7 milliards de dollars en 2016 à 116,6 milliards de dollars en 2017 et 111,1 milliards de dollars en 2018. D’un déficit de la balance des paiements de 17 milliards de dollars en 2016 ; 11 milliards en 2017 et 5,4 milliards de dollars en 2018, on doit passer à un solde positif de la balance des paiements en 2019 à hauteur de 2, 2 milliards de dollars. Face à ce déficit de la balance des paiements, l’État opérera des ponctions sur les réserves de change ou de devises : 17 milliards de dollars en 2016 ; 11 milliards de dollars en 2017 ; 5 milliards de dollars en 2018. Pour parvenir à cet objectif d’excédent de la balance des paiements, le gouvernement table sur une croissance des exportations hors hydrocarbures et une diminution importante des importations.
Précisément, les exportations globales du pays passeront de 32 milliards de dollars en 2016 à 36 milliards de dollars en 2017 ; 41,8 milliards de dollars en 2018 et 47,3 milliards de dollars en 2019. Les exportations d’hydrocarbures évolueront ainsi : 30,4 milliards de dollars en 2016 ; 35 milliards de dollars en 2017 ; 40 milliards de dollars en 2018 et 45,5 milliards de dollars en 2019. Les exportations hors hydrocarbures se situeront durant cette période entre 1,5 milliard de dollars en 2016 et 1,8 milliard de dollars en 2019. Le gouvernement table sur des prix du pétrole de 45 dollars en 2016 ; 50 dollars en 2017 ; 55 dollars en 2018 et 60 dollars en 2019. L’une des clés pour parvenir à ces résultats est une croissance en quantité des exportations d’hydrocarbures du pays. Tout dépendra à la fois de l’évolution des prix du pétrole et de la mise en œuvre dans les délais du programme de développement de Sonatrach.
L’un des axes de ce plan d’austérité est également une baisse importante des importations. Elles devraient passer de 44 milliards de dollars en 2016 à 42,8 milliards de dollars en 2017 ; 41,5 milliards de dollars en 2018 et 39,4 milliards de dollars en 2019. Cela passe, selon le document, par, entre autres, le renforcement du système des licences d’importation via un élargissement des produits éligibles. Aujourd’hui, seuls le ciment, le rond à béton et les véhicules sont soumis aux licences d’importation. Paradoxalement, le taux de change du dinar est fixé durant toute la période à 108 dinars pour un dollar américain. Or, le taux actuel dépasse les 110 dinars. Dans ce scénario, selon le professeur Belmihoub, le gouvernement ne peut utiliser cette variable d’ajustement pour réduire le déficit public (gonfler les recettes en dinars).
En outre, le gouvernement ne prévoit pas un afflux important d’investissements directs étrangers : 2,2 milliards de dollars en 2016 ; 2,4 milliards de dollars en 2017 ; 2,6 milliards de dollars en 2018 et 2,9 milliards de dollars en 2019. Ce qui est paradoxal par rapport à la volonté de l’Exécutif d’améliorer le climat des affaires. La réussite de ce plan dépendra également des mesures d’austérité pour réduire les déficits du budget et du Trésor : la réduction puis la suppression des subventions, le plafonnement des dépenses publiques, la réduction du budget d’équipement et de fonctionnement, la maîtrise de l’expansion de la masse salariale. L’objectif est de parvenir à l’équilibre du budget de l’État en 2019. Mais à quel prix ?

K. R.


Revenus

Un grand écart entre les riches et les pauvres

Pour les produits alimentaires, l’éducation et la santé, lit-on dans le document, qui ont bénéficié en 2015 d’environ 30% du total des subventions, les dépenses de la population la plus riche ont été 4,5 fois plus grandes que les dépenses de la population la moins riche. Pour les transports, qui constituent du fait du prix actuel du carburant l’un des segments qui bénéficient le plus des subventions implicites, “les dépenses de la première catégorie ont été 27 fois plus grandes que celles de la seconde catégorie”. Ce passage veut justifier l’abandon des subventions qui, selon le document, profite aux riches.

K. R.


Efficience de l’investissement public

L’Algérie à la traîne

Dans une longue partie consacrée à un diagnostic de l’évolution de l’économie nationale depuis 2000, le document portant NME a réservé une bonne partie du texte à des bench marking, des performances économiques de l’Algérie avec ceux des pays pétroliers et des pays au stade de développement similaire.
Sur l’évolution de l’efficience des investissements publics depuis 2000, la performance de l’Algérie se situe en dessous de la moyenne des pays exportateurs de pétrole : 0,71 pour l’Algérie, 1,11 pour le Koweït, 1,67 pour la Russie, 3,33 pour l’Iran, 5 pour la Norvège.Cette contre-performance, conclut le texte, impose une révision profonde des mécanismes d’élaboration, d’arbitrage et de suivi des projets d’investissement public pour réconcilier la politique budgétaire avec les principes du rendement et de l’efficacité. Cette insuffisance est à l’origine de l’aggravation de la situation financière du pays.


FRR

192 milliards de dollars accumulés entre 2000 et 2014

Le document portant NME indique que le Fonds de régulation des recettes (FRR) a accumulé 19 297 milliards de dinars entre 2000 et 2014, soit 192 milliards de dollars, 16 252 milliards de dinars entre 2000 et 2005 et 3 045 milliards de dinars entre 2000 et 2005. Un signe que cet argent ou épargne publique a été mal utilisé.


Le gouvernement le reconnaît enfin

La pression fiscale supportée par les salariés

Le gouvernement constate, dans le document portant nouveau modèle économique, une structure atypique des recettes fiscales ordinaires. Cela traduit un effort fiscal non équitablement réparti, lit-on dans le document. La pression fiscale est supportée par les salariés, constate-t-on. Conclusion : le rendement de la fiscalité sur les salaires, c’est-à-dire principalement l’IRG, semble évoluer au-delà des autres postes faisant apparaître la fiscalité salariale comme une source majeure des revenus de l’État.
En effet, les impôts sur les revenus et les bénéfices représentaient 42,1% des recettes fiscales en 2014, les impôts sur les biens et services 36,7%, les droits de douane 17,6%. Ce sont donc les salariés et les entreprises de production de biens et services qui paient le gros des impôts. Une injustice fiscale.
Le document préconise une réforme fiscale qui réoriente en particulier le poids de la fiscalité sur les biens et services et non plus sur les salaires.


 

Abandon progressif des subventions, gel des salaires et limitation des recrutements

Les détails du plan d’austérité

Pour justifier ces mesures, le gouvernement admet qu’à partir de 2017, l’Algérie connaîtra une aggravation de sa situation économique.

Le nouveau modèle économique, document dont Liberté détient une copie, dévoile le plan d’austérité que compte mettre en œuvre le gouvernement entre 2017 et 2019. Parmi les mesures les plus importantes de cette feuille de route de l’Exécutif, on peut citer l’abandon progressif des subventions. Ce qui veut dire que le gouvernement prévoit une libération des prix du pain, du lait, de la semoule, de la farine, des carburants, de l’électricité et du gaz dans son plan anticrise 2017-2019. Ces produits seront alors plus chers. Pour protéger le pouvoir d’achat des couches démunies, le gouvernement prévoit une aide financière.
“Pour compléter ce processus de maîtrise et de rationalisation de certaines dépenses courantes, lit-on dans le document, des réflexions sont menées pour rompre graduellement avec les procédés actuels de subventions généralisées pour parvenir à la mise en œuvre d’une politique de ciblage des populations à faibles revenus permettant une meilleure équité dans l’allocation des ressources de l’État aux franges de population les plus nécessiteuses et une réduction de la dépense publique à un niveau soutenable.”
Une véritable course contre la montre est engagée. Car pour pouvoir appliquer cette mesure, il convient de mettre en place un système de ciblage efficient des couches démunies et une communication adéquate pour convaincre la population.
Le nouveau modèle économique, qui s’assimile, rappelons-le, principalement à un cadrage budgétaire sur la période 2016-2019, prévoit des mesures drastiques en matière de salaires et de recrutement dans la Fonction publique. “Les orientations de cadrage pour la période 2016-2019 préconisent notamment : pour le budget de fonctionnement, lit-on dans le texte, de maîtriser l’évolution de la masse salariale à l’exception de la prise en charge de l’avancement statutaire du personnel et de contenir les recrutements dans les limites nécessaires au bon fonctionnement du service public.”
Pour ne pas choquer, le gouvernement utilise des euphémismes. Car en clair, maîtrise de l’évolution de la masse salariale veut dire gel des salaires à l’exception des hausses de rémunérations au titre de l’avancement. En outre, contenir les recrutements veut dire les limiter à des besoins incompressibles dans la Fonction publique.
En d’autres termes, il n’y aura pas de gros recrutements en dehors de l’éducation, de la santé et des services de sécurité. Concernant le budget d’équipement, cette feuille de route prévoit de restreindre le lancement de nouveaux projets et de financer les projets d’investissements publics à rentabilité avérée (ports, aéroports, voies rapides ou autoroutes reliant les grandes villes) par des modes de financement extrabudgétaires.
Dans les projets, la priorité dans leur réalisation est accordée aux entreprises algériennes. Dans les marchés publics, la préférence est accordée aux produits fabriqués en Algérie. Pour le budget d’équipement, les orientations de cadrage, mentionne le document, préconisent notamment “d’accorder la priorité au parachèvement des projets en cours de réalisation déjà lancés dans les délais fixés et aux coûts prévus, de définir les nouveaux projets dans le respect des plafonds déjà arrêtés par les pouvoirs publics, de privilégier un financement total ou partiel des projets à caractère marchand par le marché et/ou en partenariat en dehors de la sphère budgétaire et de mobiliser les moyens de réalisation nationaux, en recourant de manière systématique et prioritairement dans le cadre des marchés publics aux produits de fabrication nationale”. Le gouvernement justifie cet ensemble de mesures par l’aggravation de la situation financière du pays à partir de 2017 : “Cette conjoncture renforce la conviction que les prochaines années à partir de 2017 seront marquées par une aggravation des équilibres macroéconomiques des pays exportateurs de pétrole.”

K. R.


Fonds de régulation des recettes

4 milliards de dinars en 2018, vide en 2019

Pour financer le déficit budgétaire, selon le document portant Nouveau modèle économique, le gouvernement puisera, en 2017, quelque 1 040 milliards de dinars restants du Fonds de régulation des recettes (FRR), soit environ 10 milliards de dollars. Il ne restera en 2018, selon le texte, que 4,2 milliards de dinars dans ce Fonds qui, en 2019, sera vide. Ce qui signifie sa suppression pure et simple à cette échéance.
En vue de résorber ledit déficit et parvenir à l’équilibre budgétaire en 2019, l’État utilisera, outre l’argent du FRR, le marché des capitaux, le circuit du Trésor, l’emprunt national, des ressources bancaires.
Mais dès 2017, pour réduire le déficit budgétaire, l’État va recourir à l’endettement extérieur. Une première depuis la fin de la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel en 1998. Ce ne sont pas moins de 106 milliards de dinars de crédits extérieurs qui seront sollicités, soit environ un milliard de dollars.
Une autre première : le gouvernement reconnaît la mauvaise utilisation du FRR. “Cette dynamique de dépenses, lit-on dans le document, est loin d’être optimale et elle relève d’un horizon temporel de programmation budgétaire très limité.” Mais le FRR a bien joué son rôle, tel que défini jusqu’ici. Durant les périodes de surplus budgétaire, une fois la dette quasiment remboursée et dès la première année d’apparition d’un déficit budgétaire, une disposition a été introduite autorisant le financement du déficit public par le FRR, sous réserve de préserver le seuil plancher de l’encours du FRR de 740 milliards de dinars. Cette mesure a transformé la structure de dépenses du fonds, alors qu’avant 2006, le remboursement de la dette était le principal poste de prélèvement et engloutissait pas moins de 39% des recettes de ce Fonds. En revanche, entre 2006 et 2014, c’est le financement du déficit du Trésor qui s’est avéré le poste de prélèvement le plus important, ayant absorbé 72% du total des recettes durant cette période. À noter que le FRR a accumulé, durant la période 2000-2005, un montant de 3 040 milliards de dinars et 16 000 milliards de dinars entre 2006 et 2014.
En fin de compte, le FRR, qui devait initialement faire face aux chocs extérieurs, aura servi à financer le déficit public provoqué par une politique imprudente d’expansion des dépenses publiques.

K. R.