«Le patronat s’est affaibli»

Belkacem Boukherouf. Universitaire

«Le patronat s’est affaibli»

El Watan, 27 novembre 2014

-Le Forum des chefs d’entreprises (FCE) s’apprête à renouveler son équipe dirigeante. Quel rôle peut tenir aujourd’hui le capital privé ?

Toutes les économies compétitives sont fondamentalement basées sur une initiative privée, épanouie et libérée. L’Algérie ne peut y échapper. Ceci est d’autant important que l’expérience du secteur privé est assez traumatisante et a montré des limites quant à sa capacité à se construire dans la performance. Il est vrai qu’il y a une trajectoire historique, qui explique l’attachement quasi viscéral au secteur public, mais le salut ne viendrait que de l’inversement de la tendance qui fera passer en prime le secteur privé.

La libération de la dynamique économique au profit de l’investisseur privé ne peut que renforcer l’essor d’une économie à taille réduite et fortement dépendante du seul marché des hydrocarbures. L’entrepreneuriat privé est effectivement le seul à pouvoir amorcer les voies de diversification parce que l’investisseur privé, opportuniste et cherchant la performance, veillera à la captation de toutes les opportunités d’investissement porteur et tâchera à réduire le risque en multipliant et en variant ses mises entrepreneuriales. Aussi, l’investisseur privé, libéré du joug bureaucratique, peut aussi saisir les opportunités du marché international contrairement au secteur public (algérien s’entend), hostile et peu porté sur l’internationalisation.

-Le patronat algérien est-il suffisamment influent pour peser sur les choix de politiques économiques?

Je ne le pense pas. Le FCE s’est affaibli à partir du moment où il a perdu son autonomie décisionnelle et en politisant (au sens électoral) ses missions. En cela, la représentativité est entachée. Il n’en demeure pas qu’en tant que réseau de porteurs de capitaux et de créateurs de valeurs, les patrons peuvent organiser leurs actions de lobbying pour accompagner la production législative qui organise l’économie nationale. De tels choix relèvent plus de la volonté politique des institutions que d’un simple effort volontariste d’une des organisations représentant l’entrepreneuriat algérien. Il faut plus que ça pour y arriver. Notamment en termes de prise de conscience des limites idéologiques et des insuffisances structurelles du modèle jusque-là adopté. Le Forum des chefs d’entreprises doit être le terreau d’émergence de grandes puissances industrielles et encourager l’émergence d’un entrepreneuriat fort et dynamique.

-Quelle voie doit emprunter le privé pour placer l’entreprise au cœur des stratégies de développement ?

Une seule voie : il doit se repositionner sur l’échiquier économique en devenant un contre-pouvoir sérieux qui pèserait sur les choix politiques que de se maintenir comme «applaudimètre protocolaire», puis s’organiser en puissant réseau capable de faire émerger des voies porteuses de libération d’initiative. Le Forum des chefs d’entreprises doit aussi chercher à renforcer son poids en tant que force de propositions en s’ouvrant sur les autres partenaires et la société civile agissante. C’est à ce prix qu’émergeront des entreprises et des initiatives à même de rendre notre économie attractive et compétitive.
Akli Rezouali