Adhésion de l’Algérie à l’OMC: Djâaboub hausse le ton

Adhésion de l’Algérie à l’OMC: Djâaboub hausse le ton

Par : Badreddine Khris, Liberté, 14 février 2010

Il a traité les membres de l’organisation de “cruels” à l’égard des pays qui ne font pas partie de ce vaste espace commercial.

Le ministre du Commerce El Hachemi Djâaboub n’a pas été tendre, dans ses déclarations mercredi dernier, envers les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il les a traités de “cruels” à l’égard des pays qui ne font pas partie de cette organisation. Le mot “cruauté” qu’il a usité pousse tout observateur à s’interroger sur les intentions du représentant du gouvernement quant à cet ambitieux projet, cher jusque-là à l’Algérie.
Le processus d’accession de notre pays à l’OMC serait-il désormais abandonné ? Les propos tenus par El-Hachemi Djâaboub renseignent, du moins, sur la nature des rapports qu’entretiendra à l’avenir l’État avec la composante de l’OMC. D’ores et déjà, une telle attitude signifie de facto que l’Algérie vient de renoncer momentanément à son adhésion en suspendant les négociations. À vrai dire, l’exécutif en a marre des questions interminables et récurrentes, mais surtout des tergiversations des pays membres. À leur tête, les États-Unis et l’Union européenne qui n’ont pas cessé de “bombarder” l’Algérie de questions touchant parfois à sa souveraineté. C’est à cause de cette altière autorité, d’ailleurs, que l’État n’a pas voulu satisfaire les caprices des puissances mondiales.
Selon le ministre, 19 questions sur les 96 posées ont une incidence directe sur l’économie nationale. “Si nous disons oui, nous accéderons à l’OMC sans problème”, affirme-t-il au cours d’une visite au Centre national du registre du commerce (CNRC). Dans un langage jamais utilisé auparavant, le ministre a précisé que le gouvernement ne jugeait pas actuellement “opportun” de répondre aux requêtes formulées par l’OMC. Il a tenu à souligner, cependant, que les réponses sont prêtes, mais qu’elles ne seront pas envoyées. Il s’agit de questions liées entre autres aux licences d’importation, à la double tarification gazière, aux subventions à l’exportation, à la réglementation sur les prix, aux mesures sanitaires et phytosanitaires et aux obstacles techniques au commerce (normes), et à l’importation des véhicules d’occasion. Concernant ce dernier sujet, M. Djâaboub lance tout de go : “Nous ne voulons plus être le dépotoir des véhicules européens retapés par des garagistes français.”

L’Algérie doit négocier en position de force

Ce qu’il a appelé “véhicules de Marseille”, reprenant le jargon des opérateurs qui activent dans ce créneau. Poursuivant son réquisitoire, le ministre ajoute : “Chaque membre de l’OMC demande à l’Algérie des concessions en fonction de ses intérêts et non de ceux de l’Organisation.” “Entre eux, regrette-t-il, ils s’accordent des largesses, mais ils sont fortement exigeants avec ceux qui frappent à la porte de ce vaste espace commercial.” Pour lui, de tels comportements affichés par les adhérents de l’OMC rendent les négociations encore plus complexes. Quand bien même les concessions demandées par les 153 États membres font partie des mécanismes de la négociation et sont valables pour tous les pays, il n’en demeure pas moins que le processus est devenu trop long en comparaison au temps pris par les autres nations qui ont réussi dans leur perspective.
“Le ministère du Commerce transmettra en temps opportun les réponses, une fois qu’il recevra la directive nécessaire. Cela ne veut pas dire que nous avons oublié de répondre”, a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : “Accéder à l’OMC est une décision de souveraineté.” Ainsi, pour défendre farouchement et préserver celle-ci, l’Algérie pourrait être en mesure de se passer d’une accession au système mondial du libre-échange par ses grandes capacités énergétiques.
L’Algérie devra de ce fait se soulager de toute pression qui la mettra devant le fait accompli et qui la poussera à répondre positivement aux doléances des membres de l’OMC. Au contraire, notre pays devra faire valoir tous ses atouts et autres valeurs pour pouvoir négocier en position de force. Reste à savoir, maintenant, si le groupe des 42 négociateurs désignés par les pouvoirs publics sont capables de mener à bien ces négociations d’une durée de 23 ans et renverser enfin la vapeur en faveur de l’Algérie. El-Hachemi Djâaboub estime que l’Algérie a fait le nécessaire pour accéder à l’OMC.
En revanche, “il y a des questions sur lesquelles nous ne ferons pas de concessions”, insiste-t-il. Ce n’est pas de l’avis des responsables de l’Organisation qui reprochent à notre pays de n’avoir pas de vision claire sur le rapport avec l’organisation multilatérale et déplorent un certain manque de sérieux dans la prise en charge du dossier. La demande d’accession de l’Algérie remonte, rappelle-t-on, à 1987. Depuis 1998, dix rounds de négociations ont été organisés par intermittence, le dernier en date a eu lieu le 17 janvier 2008. L’Algérie a déjà répondu à 1 600 questions.
À la question de savoir quand est-ce que l’Algérie adhérera à l’OMC ? Le ministre répond : “C’est une question qui ne devrait pas être posée.” Une chose est certaine, néanmoins, “nous irons à l’OMC, car ce n’est pas un club de bandits”, conclut-il.