L’affaire Khalifa est une affaire du régime !

L’affaire Khalifa est une affaire du régime !

Djamaledine BENCHENOUF, 3 février 2007, http://esperal2003.blogspot.com/

Ahmed Ouyahia avait raison, d’une certaine manière, lorsqu’il a déclaré que l’affaire Khalifa était un scandale financier et non pas une affaire d’Etat. Il avait raison en ce sens que la notion, toute théorique, de ce que doit être l’Etat, dans l’acception civique et institutionnelle du terme, ne peut être associée à la sordide affaire de droit commun qui s’étale aujourd’hui à la Une de tous les journaux. Mais le personnage, qui est lui-même l’archétype de l’Etat tel qu’il est dans la réalité, se trompe ou tente, comme à son accoutumée, de nous fourvoyer lorsqu’il feint d’ignorer que c’est du régime et de sa totale implication dans ce scandale qu’on parle, pour le désigner comme à l’origine de l’Affaire Khalifa. Un régime qui a phagocyté l’Etat algérien, qui en a assimilé toute la substance, comme le ferait une araignée de sa proie.
Aussi, l’Etat algérien est il aujourd’hui, à l’instar de la proie de l’araignée, une carapace vide mais qui est doté de toutes les apparences qu’il faut pour entretenir l’illusion. Des répliques d’Institutions, bourrées d’hommes de paille et de marionnettes dont le rôle est d’occuper la galerie pendant que ceux qui tirent les ficelles s’occupent de prospérer.
Khalifa Abdelmoumen est une de ces créatures. Il a été conçu pour jouer un rôle. Peut-être voulait on le lancer, comme le supposent certains, pour en faire, le moment venu, une machine à blanchir les fortunes colossales qui dorment dans les banques suisses, monégasques, luxembourgeoises et autres îles Caïman ? Peut être le destinait on à une opération d’envergure de blanchiment de l’image hideuse d’un régime en fin de course ? Dans l’un ou l’autre cas, ou dans les deux en même temps, les prétentions des barons du régime ne se sont pas réalisées. Des effets pervers convergents sont venus contrecarrer leurs calculs : L’empire qu’ils ont voulu créer était trop lourd pour les frêles épaules de leur protégé. Leurs clientèles et leurs parentèles n’ont pas su refréner leur voracité et ont mangé le blé en herbe. Lui-même a eu la malchance de se trouver coincé dans des conflits féroces de clans en pleine bataille pour les présidentielles. Des notes et des rapports confidentiels de la DGSE particulièrement alarmants ont probablement été communiqués par des canaux du plus haut niveau de l’Etat français à leurs homologues algériens, leur recommandant de démanteler cette atypique entité. Les décideurs algériens ont fini par se convaincre que la dynamique qu’ils avaient initiée allait droit au mur et qu’elle devait être freinée avant qu’elle ne leur éclate au visage. Autant de contrariétés qui sont venues dévier la trajectoire d’une dynamique qui était vouée à d’autres fins.
Le démantèlement ne se fit pas d’emblée. Ce fut un lâchage progressif qui s’étala sur des mois. Des mesures furent prises pour limiter les dégâts, des administrateurs furent désignés pour gérer ce qui restait des entreprises et Khalifa Abdelmoumen fut, selon toute vraisemblance, averti qu’il ne devait pas revenir au pays. Sa présence dans son procès éventuel n’était certainement pas souhaitée.
Une instruction et un procès de l’affaire dans le strict respect de la loi et des procédures mettraient à jour, non seulement, l’implication directe de responsables au plus hauts niveaux de l’Etat et de ses institutions, mais tout le mode de fonctionnement d’un régime qui utilise habituellement les services d’hommes lige du genre de Khalifa pour l’enrichissement de ses membres. Il faut garder à l’esprit que ce qui a permis à Khalifa de mettre le pied à l’étrier a d’abord été son entreprise pharmaceutique. La KRG Pharma. Il a été le premier Algérien à être autorisé à importer et à fabriquer des médicaments génériques. Son agrément porte le numéro 001. Son associé algérien était l’enfant d’un général. Il a été le premier Algérien à être autorisé à ouvrir une banque privée. La Khalifa Bank. De nombreuses entreprises publiques, organismes divers et même des banques étatiques ont reçu l’injonction d’y déposer des sommes inouïes, en violation de dispositions légales. Aucun ordonnateur algérien du secteur public ne se serait hasardé à placer l’argent qui est sous sa responsabilité dans une banque privée qui sort de terre, s’il n’avait eu de consignes pour cela. Il a été le premier Algérien à être autorisé à créer une compagnie aérienne dont la flotte en arriva à encombrer les aéroports algériens. L’argent public et même celui des assurés sociaux qui fut placé dans sa banque se situent, selon les chiffres qui circulent, aux niveaux de la facture alimentaire de tout le pays. Le personnel de toutes ses entreprises avoisine les 13000 salariés et un staff constitué d’enfants et de parentèles du « tout Alger ». Comment considérer, dans de telles circonstances, que l’affaire Khalifa, dans toute sa mesure, n’est pas une affaire d’Etat. A fortiori dans un pays où l’action de l’Etat est particulièrement tatillonne, où le simple fait d’importer une marchandise quelconque requiert une foule de procédures. Et où les gros investissements, qui sont examinés à la loupe, doivent toujours être « parrainés » par un membre du régime. A l’instar de l’affaire Khalifa ! Donc monsieur Ouyahia, dans sa logique, a bien raison. L’affaire Khalifa n’est pas une affaire d’Etat. C’est une affaire du régime.
D.B