« Les investisseurs européens ont choisi de ne pas venir! »

« Les investisseurs européens ont choisi de ne pas venir! »

Kamel Hamzi, Maghreb Emergent, 24 Octobre 2011

L’ancien ministre algérien des Finances et membre dirigeant du parti RND, Abdelkrim Harchaoui défend les options économiques protectrices du gouvernement exprimées notamment par la loi de finance complémentaire 2009. Il estime que l’Algérie ne dissuade pas les investisseurs européens mais que ces derniers ont « choisi » de ne pas venir.

« Nous avons payé cher l’instabilité que nous avons vécu, pertes humaines, financières, retard en matière d’investissement, récession. De 1986 à 1993, nous avons vécu huit ans de recul économique. Aucun pays n’a intérêt à être instable. Ce qui a été fait dans la loi de finance complémentaire est légitime », a-t-il expliqué dimanche 23 octobre à la chaîne III de la radio algérienne. Il a rappelé l’effondrement des cours mondiaux du pétrole entre l’été et l’automne 2008. « En 2008 et 2009, nous avons perdu plus de 33 milliards de dollars de recettes. Au dernier trimestre 2009, nous vivions l’angoisse d’un effondrement et d’une remise en cause de nos programmes de développement financés essentiellement par les recettes d’hydrocarbures. Les européens ont reconnu cela. Nous leur avons dit que ce qu’il leur était permis, l’est pour nous. La crise financière de 2008 a donné lieu à des mesures de régulation étatique et de nationalisation des banques pour les recapitaliser. Ils ont été jusqu’à accordé des subventions exceptionnelles et à réduire des impôts. Chose qu’on ne voulait pas nous permettre », a-t-il appuyé.

Les décideurs algériens ne « sont pas fous »

Selon lui, il faut apprendre à gérer l’intérêt national. «Les décideurs algériens ne sont pas des fous pour remettre en cause des engagements et des ouvertures qui auraient été bénéfiques pour nous. Des ambassadeurs m’ont posé la question sur « cette fermeture, ce recul en terme d’investissement étranger ». J’ai dit pourquoi cette question. Ils m’ont dit qu’on décourageait les investisseurs européens. Je leur dit : « mais où sont-ils depuis le temps qu’on les attend ? ». Les investisseurs européens ne sont jamais venus. Ils ont décidé de ne pas venir. Aux algériens de préserver leurs intérêts », a expliqué Abdelkrim Harchaoui. Il a critiqué l’Union européenne, le G20, le FMI et la Banque mondiale qui ont encouragé les États à mettre en application des plans de relance budgétaire. «J’étais sidéré de constater qu’on invitait tous les pays à faire preuve d’une relance budgétaire puissante à court terme. Il y a eu injection de liquidités, mais il n’y a pas eu de croissance. Les européens doivent assainir leurs budgets pour assainir leur emprunts faits en extérieur », a-t-il dit. La politique budgétaire nationale doit, selon lui, répondre à des questions de doctrine et de morale en ce sens que l’argent public appartient à toute la nation. «On doit avoir une bonne gestion et une répartition équitable de cette ressource. Nous ne devons pas dépenser l’importe comment, nous ne devons pas définir les politiques publiques n’importe comment. Un État qui n’arrive pas à recouvrer sa ressource ne peut pas être fort », a-t-il prévenu. Il est important, selon lui, d’assurer une cohérence entre les objectifs des politiques publiques et les ressources mobilisables. « En Algérie, et depuis le milieu des années 1980, nous avons passé de mauvais moments. Nous avons vécu un choc pétrolier extrême qui nous a coûté excessivement cher et qui a remis en cause nos efforts de développement. Plus tard, nous avons été dans l’incapacité à rembourser les dettes à court terme. Un budget, c’est l’expression d’une volonté politique. L’Algérie a toutes les chances pour réaliser les programmes de relance de la croissance. Les ressources pétrolières sont importantes. Jamais nous n’avons cumulé de tels revenus. », a-t-il noté insistant sur la nécessité de diversifier l’économie.

Des éléments de fragilisation

Il a reconnu l’existence d’éléments de fragilisation : «L’équilibre budgétaire dépend en grande partie de la fiscalité pétrolière et la balance des paiements dépend des exportations des hydrocarbures ». Selon lui, le secteur privé algérien est relativement faible. « Il n’y a pas de gros investissements privés. Seul l’Etat est capable d’investir toutes ces ressources. Le gouvernement a pris plusieurs mesures incitatives pour libérer les efforts d’investissement. Des capitaines d’industrie ont développé des usines nouvelles. Il faut poursuivre l’effort. La croissance et la création de postes d’emplois sont l’affaire de tous. Il faut que l’Etat se désengage et laisser les opérateurs privés et les entreprises publiques jouer leur jeu », a-t-il conseillé.