Clôture du sommet de l’Opep à Oran: Une rencontre historique mais…

Clôture du sommet de l’Opep à Oran: Une rencontre historique mais…

par Ziad Salah, Le Quotidien d’Oran, 18 décembre 2008

Jugé historique, le 151e sommet de l’Opep tenu hier à Oran l’aura été pour plus d’une raison. A commencer par la conjoncture dans laquelle il s’est tenu. Elle est caractérisée par la chute de la demande relevée depuis vingt-cinq ans, selon les dires du ministre koweitien du Pétrole. Deux jours avant la tenue du sommet, le président sortant de l’Opep, Chakib Khelil, avait prévenu en annonçant que dans les meilleurs des cas, la demande augmentera au courant de l’année prochaine de l’ordre de 200.000 barils/jour. Or, tous les indicateurs, notamment la Banque mondiale, se prononcent pour une récession au moins durant le premier semestre de l’année qui se pointe à l’horizon. Jusqu’ici, les efforts des pays de l’OCDE visent juste à endiguer la plongée dans le rouge des places boursières. D’autre part, l’économie chinoise, l’une des plus demandeuses en énergies fossiles, ne s’est pas avérée à l’abri des soubresauts que vit l’économie mondiale dans son ensemble.

La seconde raison du caractère particulier de ce sommet est le volume de la réduction de la production décidée. En effet, les observateurs s’accordent pour rappeler que depuis 1999, jamais l’Opep n’a décidé une coupe de sa production de cette envergure. On rappelle dans ce cadre qu’en mars 1999, ses onze membres, en plus de la Russie, de la Norvège, du Mexique et d’Oman, avaient décidé une baisse de l’ordre de 2,1 millions de barils, ce qui s’est traduit quelques semaines après par un prix de 21 dollars. Mais depuis, énormément de données ont changé. Le volume de la réduction décidée à Oran représente 5% de la production totale de ce cartel, qui fournit 40% du pétrole mondial. Ainsi, cette production passe de 27.3 à 25,3 millions de barils/jour.

La troisième caractéristique de ce sommet est qu’il met les pays membres de l’Opep devant leurs responsabilités. Cette organisation, qualifiée par certains de tigre en papier, a perdu un peu de sa crédibilité à cause du non-respect de l’engagement par certains de ses membres. Le dépassement des quotas, soit de production soit de réduction, est l’apanage de nombre de pays membres de ce cartel. L’exemple des décisions prises en septembre dernier à Vienne est là pour en témoigner. Selon les estimations de Chakib Khelil, la réduction de la production négociée dans la capitale autrichienne a été respectée à 75%. D’autres sources parlent uniquement de 50%.

Cette fois-ci, la situation exige davantage de rigueur. Pour cause, l’Iran a tablé sa balance de paiements sur un baril de 70 dollars et le Venezuela a établi ses prévisions budgétaires sur un baril de 60 dollars. Les autres pays de l’Opep ont inscrit d’importants projets d’infrastructures de base réclamant des financements importants. Donc, davantage de dégringolade du prix du pétrole ruinerait ces projets et risquerait de remettre en cause la paix sociale dans certains pays.

Enfin, ce sommet est historique parce que la Russie, trop jalouse de son autonomie énergétique, s’est finalement positionnée par rapport à l’Opep. Elle se contentera d’un statut d’observateur permanent, ce qui suppose un minimum d’engagement de sa part. Pour manifester sa bonne volonté, le chef de la délégation russe a annoncé à Oran la décision de son pays de réduire la production de son pays de 320.000 barils/jour. Certes, les observateurs ont déjà noté que l’industrie pétrochimique russe souffre de vétusté et se trouve de fait incapable de « pomper » davantage de pétrole. Mais l’intention de ce pays tranche totalement avec l’indifférence du Mexique et de la Norvège, gros producteurs hors Opep.

Mais en dehors de la dimension exceptionnelle, le sommet d’Oran aura-t-il des conséquences sur les prix ? Oui et non, avancent les observateurs. Dans ce sens, on souligne que la demande influe davantage sur le prix et non l’offre. D’un autre côté, on souligne que la spéculation, mécanisme qui échappe à la plupart des pays producteurs, participe elle aussi dans la détermination du prix du pétrole sur le marché mondial. D’ailleurs, le prix historique de 147 dollars le baril enregistré le 11 juillet a été jugé « surfait » par les analystes. Les plus sceptiques avancent que la décision de l’Opep, en raison de ses effets psychologiques, arrêtera l’effritement des prix. Mais en aucun cas, elle se traduira par un raffermissement jusqu’à atteindre 75 ou 80 dollars, prix réclamé par la plupart des pays du cartel. Donc, ses membres sont appelés à se revoir en mars prochain pour réévaluer encore une fois le marché mondial du pétrole.


L’Opep doit se discipliner

par M. Saâdoune

Avec 2,2 millions de barils/jour de réduction, l’Opep est allée, à Oran, plus loin que les prédictions les plus élevées qui la situaient à 2 millions de barils/jour. Chakib Khelil a quelques raisons de dire que l’Opep a fait mieux que prévu. La réduction est la plus haute jamais décidée par l’organisation.

Il reste qu’on verra moins dans cette décision une « surprise » que le fait que les pays membres de l’organisation semblent désormais convaincus qu’ils doivent agir avec force face à un « environnement dégradé ». Il ne faut pas s’attendre à ce que la réduction de la production, qui ne prendra effet qu’au début 2009, ait une incidence immédiate sur les prix.

Malgré l’effort de l’Opep, dont la baisse de production atteindra en définitive 4,2 mbj, les marchés étaient plus attentifs aux nouvelles sur l’augmentation des stocks des produits pétroliers. Le prix du baril était hier à la baisse et frôlait les 40 dollars à New York. D’une certaine manière, ces marchés disent que dans le contexte actuel, le niveau de la baisse décidée par l’Opep est insuffisant pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande. Une réactivité immédiate des marchés à une décision de l’Opep qui n’est pas encore effective aurait été une « surprise » dans un contexte économique aussi déprimé. Une simple annonce de l’Opep n’est plus un facteur pris en compte. Seule l’effectivité des mesures et leur incidence sur le niveau de l’offre pourrait avoir un effet. Et bien entendu, l’état des économies des grands consommateurs.

Si ce dernier aspect échappe totalement à l’Opep, la question de l’effectivité des mesures annoncées relève bien de sa responsabilité. Une «tradition», mauvaise bien entendu, veut que des pays membres ne respectent pas les quotas qui leur sont fixés et placent davantage de pétrole sur le marché. Les réticences des Saoudiens aux réductions de la production tiennent pour une bonne part à cet aspect. L’indiscipline des membres mine la crédibilité de l’organisation.

Dans le contexte actuel, on peut s’attendre à ce que tous les pays membres comprennent qu’ils gagnent en respectant les quotas. Mettre davantage de pétrole sur le marché dans un environnement économique marqué par la récession ne ferait que plonger les prix à des seuils encore plus bas. Le pétrole a perdu 100 dollars depuis le pic de l’été. Le ministre saoudien l’a rappelé : à 40 dollars le baril, les producteurs marginaux ne peuvent plus suivre.

La question de la discipline des pays membres va donc être décisive pour les semaines et les mois à venir. C’est elle qui décidera, en partie, de la réorientation des prix vers le seuil, jugé raisonnable par les Saoudiens, de 75 dollars. Car il s’agit non seulement d’appliquer la nouvelle décision prise à Oran, mais aussi de se conformer aux décisions prises précédemment. Le rapport de l’Opep publié mardi relevait, en citant des experts indépendants, que les dernières réductions décidées par l’organisation n’ont été appliquées qu’à moitié. Pour peser sur les marchés, l’Opep se doit d’être rigoureuse… et ne plus fermer les yeux sur les mauvais joueurs.


Sommet extraordinaire de l’Opep à Oran: Une réduction de 2,2 millions de barils

par Sofiane Maïzi, Le Quotidien d’Oran, 18 décembre 2008

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a décidé, hier à l’issue de la 151e réunion extraordinaire d’Oran, une baisse historique de sa production de 2,2 millions barils/jour pour enrayer la dégringolade des cours des hydrocarbures.

Avec cette nouvelle baisse de son offre, le cartel aurait ainsi taillé 4,2 millions de barils par jour sur son niveau de production de référence de septembre dernier, qui était de l’ordre de 29,5 millions de barils/jour. La nouvelle réduction drastique va entrer en vigueur le premier janvier 2009.

«Nous espérons avec cette nouvelle réduction que les cours de pétrole vont se stabiliser dans une fourchette de prix entre 70 et 80 dollars», a annoncé Chakib Khelil, président en exercice du cartel, dans un point de presse. Il a espéré que cette réduction substantielle va assurer un équilibre entre l’offre et la demande et permettra d’éliminer l’excédent des réserves mondiales, estimées actuellement à 57 jours au lieu de la moyenne habituelle de 52 jours. Chakib Khelil a assuré que l’Opep est désormais résolue à stabiliser les prix de l’or noir, quitte à recourir à d’autres réductions dans les prochains mois. «Nous sommes prêts, si nécessaire, à appliquer d’autres réductions drastiques à l’avenir», a averti Chakib Khelil. Il a ajouté que l’Opep va attendre maintenant la réaction des marchés avant de décider d’autres mesures. Prenant le cas de l’Algérie, il a relevé que la baisse de la production sera de 200.000 barils par jour sur un quota de référence de 1,4 million de barils. Questionné sur l’éventualité du non-respect des quotas par certains membres du cartel, il a assuré qu’il est de l’intérêt des pays membres de respecter strictement cette nouvelle réduction. Il a précisé, dans ce contexte, que l’effondrement des cours des hydrocarbures a mis en péril les investissements dans le secteur pétrolier, d’où cette décision de serrer au maximum les vannes. Les membres de l’Opep espèrent que cette réduction substantielle aura un impact réel sur le marché pétrolier. Le cartel vise en premier lieu, avec cette nouvelle réduction, à avoir un impact psychologique pour apaiser les craintes des marchés. Les organisateurs de la 151e réunion extraordinaire de l’Opep à Oran n’avaient d’ailleurs rien laissé au hasard. Tous les ministres de l’Energie avaient parlé d’une seule voix mercredi en mettant de côté les habituelles chicaneries. Une «mise en scène» préparée soigneusement dans le souci de rassurer les marchés qui doutent encore de la capacité de l’Opep à freiner l’hémorragie des cours du pétrole.

Au-delà du volume de cette baisse record, les organisateurs de cette réunion extraordinaire avaient tenté, dès le début des séances préparatoires des experts, de mettre en relief le consensus général qui régnait entre les membres de l’organisation. Ils avaient tout mis en oeuvre pour éviter au maximum de prolonger les débats tard au soir, ce qui aurait été considéré comme un signe de dissensions entre certains membres du cartel. De nombreux experts s’accordent à dire que la réunion extraordinaire d’Oran avait lancé un message fort au marché.

Hier, du côté des marchés pétroliers, les cours des hydrocarbures, qui avaient commencé à se ressaisir timidement dans la matinée en dépassant légèrement les 47 dollars le baril de brut, ont subitement chuté de 2,46 dollars. Un prix de baril loin des espoirs des membres de l’Opep, qui veulent au moins atteindre le seuil des 70 dollars.

Du côté des experts présents à la réunion d’Oran, on avance que cette nouvelle tendance est conjoncturelle. «Les cours resteront volatils au cours de ce mois à cause de l’importance de l’excédent des réserves mondiales et de la récession économique qui affecte les économies des pays de l’OCDE», soutiennent de nombreux experts interrogés en marge de cette réunion. La nouvelle baisse record du cartel est la plus importante de l’Opep depuis l’introduction du système des quotas en 1982.


Bouteflika : décision et exécution

par Djamel B.

Le président de la République a émis hier le souhait de voir les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) prendre les décisions qui s’imposent et les exécuter. « Je souhaite que vous décidiez mais je souhaite aussi que vous exécutiez »: c’est en ces termes que le président de la République a clôturé son discours inaugural devant les membres de l’organisation. Une brève allocution, dans laquelle le chef de l’Etat a, de prime abord, rappelé les retombées que peut engendrer la crise financière mondiale sur le devenir des économies de nos pays à long, moyen et court terme, d’où, dira-t-il, l’importance « singulière» que revêt cette réunion de l’Opep.

«L’année 2008 a été marquée par une crise financière d’une gravité exceptionnelle, rappelant par certains aspects celle de 1929 et la grande dépression qui s’en est suivie. La crise actuelle a déjà entraîné un ralentissement de l’activité économique mondiale, avec un impact direct sur la croissance de la demande pétrolière, une forte baisse du prix du pétrole et des revenus de nos pays», a souligné le chef de l’Etat. Saluant la décision prise par l’Opep, le 24 octobre, d’ajuster l’offre pétrolière pour stabiliser le marché, le président de la République a rappelé que l’histoire a démontré qu’un marché pétrolier non régulé est condamné à des fluctuations démesurées des prix, qui ne servent ni les intérêts des producteurs, ni ceux des consommateurs ou de l’industrie pétrolière dans son ensemble. Pour le Président, la crise actuelle est avant tout une crise financière liée au modèle économique dominant.

«Ce n’est pas une crise de l’énergie. Il est bien connu que la spéculation est l’une des causes de la forte hausse du prix du pétrole, suivie d’une chute vertigineuse des prix… », dira le chef de l’Etat. Face au défis actuels auxquels les pays membres de l’Opep doivent faire face, le chef de l’Etat a néanmoins exprimé sa confiance en l’organisation, appelée à prendre une importante décision pour stabiliser le marché. « La maturité de l’Opep me laisse confiant que toutes les décisions qu’elle prendra dans ce sens tiendront compte des implications sur l’économie mondiale, pour laquelle nous souhaitons des mesures judicieuses de la part des grands pays industrialisés, afin qu’elle puisse renouer avec le cercle vertueux d’une croissance durable et partagée par tous », a-t-il encore souligné. Le chef de l’Etat s’est dit rassuré sur la volonté « de préserver aussi bien notre organisation que les intérêts de ses pays membres» .

Pour stabiliser le marché pétrolier, «dans l’intérêt de tous», le président de la République a insisté sur la nécessité pour les pays producteurs de pétrole de prendre des décisions «rationnelles et justes». «Les règles de bonne gouvernance nous obligent à prendre des décisions économiquement rationnelles et humainement justes», a déclaré Bouteflika, après avoir rappelé que la baisse de la demande, causée par la récession mondiale de l’économie, doit nécessairement entraîner un ajustement de l’offre. Dans ce contexte, il se demandera: «Pourquoi continuer à inonder le marché avec des quantités de pétrole brut qui n’auraient pas d’acquéreurs ?». Le Chef de l’Etat a indiqué, dans la foulée, que les pays producteurs « ne peuvent pas aujourd’hui rester impassibles devant l’écroulement de leurs revenus », recommandant à ces derniers de défendre « légitimement » leurs intérêts.

Le chef de l’Etat a rappelé les efforts déployés par l’Algérie en prônant, dira-t-il, « dès les premiers signes d’un retournement du marché, une anticipation des développements à venir et d’ajuster l’offre, comme le fit l’Opep à sa conférence de septembre dernier ». C’est ainsi que l’Algérie, qui préside l’Opep, a appelé « à une réunion extraordinaire pour évaluer l’ampleur des conséquences sur la demande pétrolière mondiale afin de prendre les mesures nécessaires pour enrayer la chute des prix », a rappelé le Président.

Le ministre de l’Energie et des Mines et président en exercice de l’Opep, M. Chakib Khelil, qui était intervenu avant le Président, a insisté dans son allocution d’ouverture des travaux sur la nécessité pour les pays de l’organisation de conjuguer leurs efforts face aux défis induits par la crise économique mondiale. Le ministre de l’Energie, qui s’est réjoui des décisions prises par certains pays hors Opep de réduire leur production, a précisé que cette réunion extraordinaire avait pour but d’étudier le marché pétrolier et d’examiner les perspectives dans le court terme, qui permettront d’inverser la situation actuelle. L’Algérie, a-t-il dit, « ne ménagera aucun effort pour contribuer à la réalisation des objectifs de l’Organisation au mieux des intérêts de tous les pays membres ».

Il est à souligner que de nombreux journalistes algériens et étrangers ont été empêchés d’accéder à la salle des conférences. Certains journalistes « sélectionnés » la veille pour assister au discours du Président ont dû rebrousser chemin, n’ayant pas pu obtenir les fameux sous-badges, sans qu’une explication ne leur soit fournie. Quant à la retransmission du discours sur écran, les nombreux journalistes accrédités présents dans la salle de presse n’ont eu droit, en fin de compte, qu’à un écran noir…