Gaz : L’Algérie doit revoir sa coopération avec l’Europe

Gaz : L’Algérie doit revoir sa coopération avec l’Europe

par Ali Babès, Le Quotidien d’Oran, 9 septembre 2008

La nouvelle configuration des rapports de force géopolitiques dans le monde et en Europe particulièrement devrait inciter l’Algérie à revoir son modèle de coopération dans le domaine de l’énergie avec l’Union européenne. C’est, en substance, ce que suggère le vice-président du Conseil National Economique et Social (CNES), M. Mustapha Mékidèche, lors d’une rencontre organisée par la Fondation allemande Friedrich Ebert.

Alger se doit de  »redéfinir, avec l’UE, le contenu d’un partenariat stratégique gagnant-gagnant », a-t-il soutenu, avant de préciser que

 »le rapport de forces dans le marché mondial de l’énergie le permet ». Pour M. Mékidèche, la redéfinition de ce partenariat doit obéir à plusieurs facteurs, notamment de stratégie géopolitique. L’intervention de l’expert algérien n’est pas sans rapport avec les nouveaux défis, tant politiques que militaires et économiques qui se dessinent inexorablement en Europe de l’Est Post-soviétique. Et le conflit en Géorgie, qui a mis à nu les véritables intentions de la Russie dans le maintien des ex-républiques soviétiques dans son giron, accélère davantage cette appréhension que les approvisionnements en pétrole et en gaz en provenance du Caucase notamment sont de plus en plus menacés. Et autant pour la sécurité des approvisionnements de l’Europe communautaire.

Ainsi, selon M. Mékidèche, sont particulièrement concernées, par ce projet de partenariat algéro-européen, les exportations algériennes de gaz vers l’UE, qui constituent la principale source d’énergie pour plusieurs Etats membres de la zone euro. L’Algérie, qui fournit environ 25% des besoins en gaz naturel de l’Europe du sud, y compris la France, se doit donc de redéfinir sa stratégie de coopération énergétique avec les pays de l’UE. L’Italie et l’Espagne, avec les gazoducs Transmed et GME, en attendant celui de Medgaz qui desservira le marché espagnol par mer (Ghazaouet-Almeria), sont les deux plus importants clients de Sonatrach, outre le Portugal dont les approvisionnements sont assurés par le GME (Gazoduc Maghreb-Europe, qui traverse le Maroc).

Le nouveau rapport de force, qui se profile à l’horizon, se décline en sécurité des approvisionnements en gaz et en pétrole des pays de l’UE, inquiets de la tournure des événements en Europe de l’Est. Selon M. Mékidèche, ce nouveau rapport de forces entre exportateurs et consommateurs de gaz s’articule sur trois éléments stratégiques pour l’Algérie. D’abord l’Algérie, qui dispose d’excédents financiers considérables, peut prendre en charge, complètement ou en partenariat, le financement des nouvelles infrastructures énergétiques pour la commercialisation du gaz. Ensuite, les fondamentaux des marchés énergétiques donnent l’opportunité à l’Algérie de mieux vendre son gaz à court terme face à la hausse des prix du pétrole et revenir à une stratégie de commercialisation à court terme de son gaz, au lieu des contrats à terme ou long terme, ce qui pourra améliorer ses recettes. Dernier élément d’importance : les approvisionnements de gaz algérien sont, en quelque sorte, sécurisés et sûrs, contrairement au gaz en provenance de l’Europe de l’Est, notamment de Russie. Avec sa position géographique, l’Algérie offre des gisements gaziers, notamment de Hassi R’Mel et Hassi Messaoud, à moins de quatre heures de vol de Paris, moins de deux heures pour Madrid.

C’est en fait cet élément essentiel, la proximité des puits pétroliers et gaziers algériens par rapport au Sud et au Centre de l’Europe, qui devrait constituer le pivot d’une nouvelle stratégie de partenariat entre Alger et Bruxelles, suggère en fait M. Mékidèche. Enfin, sur le mode de consommation de l’énergie en Algérie, il est  »inapproprié dans les faits », et se caractérise par un  »gaspillage de l’énergie de la part des ménages et des activités et indirectement encouragé par les prix appliqués ». Ce modèle devrait être remplacé par un autre «plus sobre» en favorisant la consommation des GPL et du gaz naturel qui devrait prendre le pas sur celle des produits raffinés, selon lui.