Le paradoxe d’un pays gazier en proie à un fort stress énergétique

Le paradoxe d’un pays gazier en proie à un fort stress énergétique

Merouane Korso, Maghreb Emergent, 12 Février 2012

La vague de froid qui touche depuis plus d’une semaine le Nord de l’Algérie a révélé une inquiétante incapacité à satisfaire des besoins essentiels notamment en gaz butane. Au centre d’enfutage de Sidi R’Zine, à El Harrach, où le ministre de l’énergie et des  »patrons » de Sonatrach et Naftal se sont rendus samedi, les longues files d’attente dispensaient de tout commentaire superflu. L’offre des produits énergétiques est perturbée au moindre recul de température en hiver. Tout comme, la distribution d’électricité se retrouve sous pression dans les périodes chaudes.

Les tempêtes de neige enregistrées pratiquement sur tout le versant nord et des Hauts plateaux de l’Algérie ont isolé des centaines de villages de montagnes. Elles ont provoqué une dramatique situation de crise dans le pays et des critiques en règle contre « l’insensibilité » des autorités politiques. Le bilan, provisoire, de ces intempéries serait au moins de 25 morts, des dizaines de blessés. Des régions entières restent encore isolées par la neige. La demande en produits énergétiques a explosé, notamment pour le gaz butane. Des villages de haute Kabylie à ceux de l’Est, du centre et de l’ouest du pays grelottent. En raison d’une accumulation de défauts de distribution. Non seulement le gaz butane manque mais également des vivres pour des régions rendus difficile voire impossible d’accès par la neige. L’armée algérienne a été mise à contribution dans plusieurs régions. Dans cette situation de difficulté extrême où la température est descendue à -7 dans certaines régions, seule la wilaya de Bejaia, où des camions de transports de gaz butane ont été  »détournés », a osé décréter le plan Orsec. Des campagnes de secours sont menées pour faire acheminer vivres et produits énergétiques pour les villages isolés par la neige. La leçon principale de cette crise qui aurait pu être mieux gérée est que l’Algérie qui exporte un peu plus de 20 milliards de M3 de gaz par an vers l’Europe notamment via trois gazoducs, a de la peine à approvisionner normalement des centaines de villages de montagnes en gaz butane.

Des « chaînes » de plusieurs kilomètres

En tournant à plein régime (600.000 bouteilles jour), le centre d’enfutage de Sidi Rzine d’El Harrach n’arrive pas à répondre à la demande d’une seule région: la Kabylie et le grand algérois. Des chaînes de plusieurs kilomètres sont enregistrées jusqu’à aujourd’hui devant les centres de distribution de gaz butane à travers l’ensemble des régions touchées par les dernières intempéries. La demande serait-elle trop forte pour l’offre de gaz butane? Selon M. Yousfi, plus de 100 millions bouteilles de gaz butane sont remplies annuellement.  »Actuellement, la production est de 50% plus élevée que la production normale ». Et, pour assombrir le tableau, l’énergie électrique fortement sollicitée, est également défaillante dans plusieurs régions, avec au moins plus de 60.000 foyers sans énergie électrique. Selon un communiqué de Sonelgaz, la consommation nationale en électricité en hiver avait atteint mercredi dernier à 20 heures un pic record de 8.305 MW, en hausse de 7% par rapport à la même période de l’année passée. Un  »pic » de consommation accompagné cependant par les désagréables coupures prolongées de courant électrique même dans les banlieues des grandes villes du pays. L’état de stress énergétique est encore plus fort si l’on tient compte du fait que les coupures de gaz de ville ne sont pas répertoriées dans ce  »triste » bilan de l’offre énergétique nationale.