Importations massives de carburant depuis 2010

L’autre facette de la crise de Sonatrach

Importations massives de carburant depuis 2010

El Watan, 14 juillet 2013

Dans son dernier rapport, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a souligné que la demande algérienne en essences importées a augmenté de 50% en trois ans. Cette situation découle directement de l’impact du désinvestissement qui a eu cours à Sonatrach durant plusieurs années.

La production de produits raffinés a quant à elle chuté de 35% durant la même période en Algérie. Des chiffres qui amènent irrémédiablement à un constat. L’aval pétrolier subit actuellement l’impact du désinvestissement qui a caractérisé la gestion du secteur durant plusieurs décennies.
En effet, depuis les années 1970 aucune nouvelle raffinerie, mis à part la petite raffinerie d’Adrar, n’est venue renforcer les capacités nationales de raffinage. Hors programme de réhabilitation des raffineries en cours, les capacités théoriques de raffinage stagnent depuis plusieurs années à 22 millions de tonnes de brut à traiter par an grâce à l’activité de quatre grandes raffineries (Skikda, Arzew, Alger et Hassi Messaoud). Cette capacité de raffinage permet une production de près de 7 millions de tonnes/an de gasoil, de 2,6 millions de tonnes d’essences.

C’est sans compter le programme de réhabilitation des raffineries qui a pour objectif de porter la production de gasoil à 10 millions de tonnes et d’essences à plus de 4 millions de tonnes/an. Néanmoins, en attendant sa réception, ce plan, lancé en 2011, a en réalité grevé les capacités de production en produits raffinés. D’autant plus que le programme en cours a été marqué par la multiplication des incidents et les retards incessants. Le cas de la raffinerie de Skikda, où les incendies répétitifs ont conduit à l’arrêt des installations à plusieurs reprises, est des plus édifiants. Pis encore, la réception du projet de réhabilitation et le redémarrage à pleine capacité de la raffinerie, la plus importante du pays avec ses capacités annuelles de raffinage de 15 millions de tonnes de brut, prévus en début d’année, n’est toujours pas à l’ordre du jour. Situation conjoncturelle qui s’éternise ? Les observateurs de la place estiment que le programme lancé par Sonatrach pour la rénovation de ses raffineries permettra non seulement de couvrir la demande du marché, mais aussi de produire des carburants suivant l’évolution des normes à l’international.

La demande explose

Cela sans compter avec la demande qui augmente crescendo. Car si l’on pense aujourd’hui à porter les capacités de production de carburant à 14 millions de tonnes, qu’en sera-t-il demain ? La croissance de la demande de carburant ces dernières années est estimée ,selon Sonatrach, à une moyenne de 10% par an. La demande en carburant a triplé en 30 ans. Elle est passée de 7,5 millions de tonnes en 2003, à 12 millions de tonnes en 2011 et à 14 millions de tonnes en 2012. Elle devrait atteindre, selon les prévisions du ministère de l’Energie et des Mines, 30 millions de tonnes en 2030 et 45 à 50 millions de tonnes en 2040. C’est dire l’accélération de la demande.
Une demande qui explose et que l’on veut justifier par «la dynamique économique encouragée par les programmes d’investissement publics», mais aussi et surtout par l’augmentation du parc automobile, lequel a atteint les 5 millions de véhicules et est alimenté par des importations en hausse constante. Il ne faut pas non plus oublier la saignée provoquée par la contrebande de carburant aux frontières.

Autant d’éléments qui ne sont pas étrangers à la tension ressentie ces derniers jours sur le marché des carburants. Des facteurs qui devront pousser les pouvoirs publics à prendre des mesures afin de limiter la dépendance aux importations. Au-delà de l’hypothétique programme de réalisation de nouvelles raffineries, les experts plaident pour l’usage de carburant alternatifs comme le GPL, mais aussi pour la rationalisation de la consommation de carburants.
La question des prix subventionnés du carburant se pose aussi avec acuité. L’Algérie est l’un des pays où le carburant est le moins cher. C’est d’ailleurs l’un des facteurs qui alimentent les réseaux de contrebande, mais encouragent aussi le gaspillage.
Melissa Roumadi