Conjoncture durable ?

Conjoncture durable ?

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 5 novembre 2008

Le prix du baril de pétrole se situait, hier à Londres, à moins de 59 dollars. La réduction de la production de l’Opep de 1,5 million de barils/jour, qui n’est pas entrée totalement dans les faits, s’avère bel et bien insuffisante à protéger le prix, alors que les signes d’une récession économique durable se confirment.

La Commission européenne indique que les 15 pays de la zone euro enregistrent deux trimestres de recul de leur PIB. L’activité industrielle est en baisse aux Etats-Unis. Les dettes publiques des pays occidentaux atteignent des niveaux faramineux. Pour s’en tenir à 3 exemples : la dette publique de l’Etat français dépasse les 1.250 milliards d’euros, celle des Etats-Unis, plus de 10.000 milliards de dollars après les différents plans de sauvetage américains, celle du Japon représente près de deux fois le PNB nippon.

Les chiffres confirment que les fondamentaux des grandes économies sont touchés et que la crise s’installe dans la durée. Il y a donc peu de chances de voir le pétrole reprendre le chemin de la hausse au cours des prochains mois et cela se traduira nécessairement par une contraction sensible des recettes.

La demande de pétrole a baissé de 7,8% au cours des quatre dernières semaines, alors que l’on n’est encore qu’au début de la crise. Outre la baisse de la demande, de nombreux opérateurs, ceux qui spéculaient sur le pétrole, ont disparu du marché. Cette tendance au retrait est renforcée par la hausse du dollar qui a fait perdre au pétrole sa position de valeur refuge contre l’érosion de la devise américaine. Mais en l’état actuel, l’offre pétrolière dépasse clairement la demande. Les pays non-Opep ne veulent pas participer à l’effort de compression de l’offre. La Russie, par exemple, a signifié qu’elle ne réduira pas sa production, même si elle déclare souhaiter une plus grande collaboration avec l’Opep.

Mais le risque immédiat est celui de l’indiscipline au sein de l’Opep qui ruinerait la crédibilité, déjà atteinte, de l’organisation. Cette crédibilité dépend de la décision claire de l’Arabie Saoudite d’appliquer sa part dans la réduction de l’offre pétrolière décidée récemment à Vienne. Plus celle-ci tarde et plus les marchés y verront un signe que l’Opep n’est plus en mesure d’influencer le niveau de l’offre. Dans ce cas, les prix pourraient poursuivre leur logique descendante.

Le paradoxe est que tout indique que cette baisse des prix est conjoncturelle. A moins de 80 dollars, de nombreux projets deviennent non rentables et cela entraînerait à terme une réduction de l’offre, alors que la demande va nécessairement reprendre. En fait, la vraie question, pour l’Algérie comme pour les pays pétroliers peuplés, est de savoir quelle sera la «durée» de cette mauvaise conjoncture. Quelques mois, c’est mieux qu’un an ou plus. Le problème est que si l’on sait que la reprise suit nécessairement la récession, nul n’est encore en mesure de dire combien durera la crise ni d’en prédire l’ampleur…