L’Opep et la bataille de l’énergie

L’Opep et la bataille de l’énergie

par M’hammedi Bouzina Med, Le Quotidien d’Oran, 3 décembre 2008

L’appel lancé hier par le ministre Chakib Khelil aux pays non membres de l’Opep, notamment la Russie, la Norvège et le Mexique, à rejoindre l’Organisation, sinon de lui manifester sa solidarité en réduisant leurs quotas de production de pétrole, n’est pas une nouveauté en soi. Lors des nombreuses crises qui ont « rasé » par le passé le prix de l’or noir (1972, 1978, 1987, 1992…), le même débat a eu lieu mettant aux prises des stratégies d’intérêts différentes. On a même assisté à deux reprises au résultat inverse où des Etats membres de l’Opep l’avaient quittée. Ce fut le cas de l’Equateur en 1992 et du Gabon en 1996. C’est pour dire combien une crise diffère de l’autre, tant les circonstances dans lesquelles elle se produit sont elles aussi différentes. Aussi, replacer la crise d’aujourd’hui dans son contexte permet de mesurer les réelles marges au sein desquelles l’Opep peut manoeuvrer pour la stabilité du prix du pétrole et du gaz qui lui est, pour l’heure, indexé.

La rapide chute du prix du pétrole intervient, cette fois-ci, à un moment de grave crise financière qui frappe les pays industrialisés. Les conséquences de cette crise sont mondiales et ont fait sauter des solidarités bien installées, telles celles au sein de l’Union européenne par exemple. Les discours ou Sommets de circonstance (G20, Sommet de Paris, celui de Doha…) n’arrivent pas à cacher la maxime du « chacun pour soi ». Cette situation de désordre dans la maison Europe présente des avantages pour un pays comme la Russie pour son redéploiement stratégique face à l’Europe et les USA.

L’éventualité que la Russie rejoigne l’Opep demeure possible, étant attendu qu’elle est liée avec l’UE par un partenariat stratégique sur l’énergie. Son appartenance à l’Opep lui conférera au vu de son poids un réel pouvoir sur le contrôle du marché mondial de l’énergie. Par contre, la donne est différente pour un pays comme le Mexique. Son marché est très lié à l’économie de son voisin américain. Il ne saurait prendre de risques vis-à-vis des USA qui, eux, voient d’un très mauvais oeil l’élargissement de l’Opep à d’autres pays. De plus, le pouvoir mexicain, en dehors de quelques concessions à des compagnies privées d’exploitation de l’or noir, exerce un vrai contrôle sur la recherche, l’exploitation et la commercialisation de son pétrole. Ce n’est pas le cas de la majorité des pays de l’Opep qui ont ouvert les champs aux compagnies étrangères. Le Mexique voit dans la politique de l’Opep comme une « concurrence déloyale ».

Enfin, l’exemple de la Norvège se passe de commentaire puisque ce pays a déjà critiqué la baisse de 1,5 million de barils/jour décidée par l’Opep le 24 octobre dernier. 5ème exportateur mondial de pétrole, la Norvège refuse, à ce jour, de rejoindre l’UE pour garder une meilleure liberté pour ses choix économiques et ses alliances. Avec son voisin la Grande-Bretagne, la Norvège a des liens privilégiés. Ce n’est pas un hasard si la GB, au même titre que la Norvège, s’est dite « désolée » de la décision de l’Opep pour la réduction de sa production. Et puis, faut-il mettre aux oubliettes tous les projets d’interconnexion du réseau énergétique nord-européen ? Et dans lesquels la Russie est, par ailleurs, partie prenante. Dans ces circonstances, faut-il voir dans « l’appel » du ministre algérien de l’Energie, président du cartel, une tentative de « débusquer » les intentions des uns et des autres producteurs de pétrole et de sonder leurs intentions futures ? Enfin, il faudrait attendre aussi les premières décisions du nouveau locataire de la Maison Blanche américaine, Barack Obama. Si, comme il l’a promis, il donnera la priorité à l’économie américaine avec des plans de soutien conséquents, ce serait un bol d’air pour le reste du monde. Puisque la crise du prix du pétrole est la conséquence directe de la crise financière partie des USA, il est logique que si la consommation repart à la hausse dans ce pays, le prix du pétrole n’en sera que gagnant. Pour le reste, il y a belle lurette que le principe de solidarité entre pays se négocie sur les intérêts étroits des Etats de par le monde.