Danger de dérapage à In Salah

Danger de dérapage à In Salah

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 27 janvier 2015

Les déclarations de Abdelmalek Sellal mercredi sur la question de l’exploitation du gaz de schiste dont la population d’In Salah n’en veut pas, car fermement convaincue qu’elle est préjudiciable pour l’environnement naturel de leur région et la santé de ses habitants, n’ont pas eu l’effet escompté par lui : rassurer les protestataires et mettre un terme à l’effervescence citoyenne qui paralyse la ville. Pire, elles ont au contraire provoqué le renforcement de la tendance « dure » du mouvement anti-exploitation du gaz de schiste déterminée à faire plier les autorités.

C’est son point de vue qui semble maintenant prédominer au sein du groupe animateur de la protestation citoyenne et qu’il faut donc s’attendre à une radicalisation du mode d’expression de celle-ci. Jusque-là, le mouvement a exprimé son opposition à l’exploitation du gaz de schiste de manière pacifique sans débordement ni atteinte aux biens ou aux personnes. Il est à craindre que l’exaspération que suscite dans ses rangs la cacophonie à laquelle donnent lieu les prises de position officielles sur cette affaire, ne conduise à un échauffement des esprits et à la tentation de « muscler » les démonstrations anti-exploitation du gaz de schiste. Cela constituerait une erreur dommageable pour ce mouvement qui a incontestablement suscité et fédéré un élan de sympathie et de soutien à travers l’ensemble du pays, en se montrant sous un jour qui n’a rien à voir avec celui que l’on voit dans ces émeutes et autres manifestations de mécontentement qui ponctuent ailleurs le quotidien algérien.

A In Salah, c’est une population tout entière qui proteste, mais calmement et sans faire dans le mélange des genres dans ses revendications. Et c’est bien cette attitude inédite qui déboussole les autorités publiques car elle n’offre pas la possibilité de faire diversion sur la raison de sa protestation par des effets d’annonce d’engagements financiers ou autres sur d’autres de ses attentes. Changer de mode opératoire dans l’expression du rejet de l’exploitation du gaz de schiste et surtout s’engager sur la voie de la confrontation à risque de violence pour se faire entendre, donnera inévitablement prétexte aux autorités à ordonner la répression et à enfourcher l’antienne de la manipulation et du complot orchestré contre l’intégrité du pays et l’unité de la nation.

Des animateurs qui tiennent à conserver au mouvement la démarche qui a été la sienne jusqu’alors ont conscience du danger qui guette celui-ci au constat des déclarations officielles contradictoires et pour certaines provocantes à l’égard de la population, et ont eu raison de réaffirmer que la population d’In Salah est mobilisée sur une revendication « simple et précise » : l’arrêt des forages expérimentaux et partant l’éventuelle exploitation du gaz de schiste et que derrière cette revendication il n’y a « ni prétentions personnelles, ni politisation, ni main étrangère et encore moins une volonté de se positionner contre l’Etat ».

Il est clair que par leurs réponses confuses et dilatoires sur cette revendication, les autorités du pays jouent sur le pourrissement de la situation avec l’espoir qu’il provoquerait l’extinction du mouvement populaire de protestation qui enfermerait dans l’isolement ses meneurs et animateurs. Ce calcul est lourd de conséquences, car il pourrait ouvrir la voie aux actes imprévisibles auxquels peut conduire le ressenti de la frustration et de la colère de ne pas avoir droit au chapitre sur les questions qui conditionnent le devenir de la région dans laquelle l’on vit.