L’État rattrapé par ses excès

Beaucoup d’argent, peu de résultats

L’État rattrapé par ses excès

El Watan, 10 février 2009

Le gouvernement Ouyahia a, tout compte fait, « compris sa douleur ». Fini le temps des vaches grasses où l’Exécutif se permettait le luxe de dépenser sans compter pendant toutes ces années où les prix de pétrole caracolaient à des niveaux inespérés.

Le Premier ministre Ahmed Ouyahia vient en effet d’inviter les membres de son gouvernement à partager le risque (et l’angoisse !) de voir le pouvoir d’achat du pays diminuer sensiblement, à l’heure où les incertitudes du marché pétrolier se font jour de plus en plus et les recettes de l’Algérie deviennent de moins en moins importantes. Le ministre de la PME, Mustapha Benbada, n’en pense pas moins, lui qui considère qu’effectivement le Premier ministre a tout simplement incité à « raisonner en fonction de nos ressources ». Voilà ce qui peut s’appeler tout bonnement « gouvernance », assure M. Benbada, qui fait remarquer cependant que le pays est « en bonne santé financière ».

Soit. L’Algérie dispose encore d’un matelas de devises, fruit d’une épargne nationale. Les officiels parlent de quelque 3 à 4 années d’importations. Il s’agit là d’une espèce d’instrument de mesure de notre capacité financière à assurer la couverture de nos besoins en importations de biens et services. L’épargne nationale cumulée ces quelques dernières années sert à pallier les insuffisances nées d’une mauvaise conjoncture. Tandis qu’en vérité, l’épargne permet d’engager des investissements dans le pays ou d’en assurer la consommation. Mais si M. Benbada incite à la « prudence », ainsi d’ailleurs que l’aurait instruit le Premier ministre, c’est justement parce que le revenu annuel de l’Algérie connaît une baisse sensible due à celle des prix de pétrole qui oscillent autour des 40 dollars le baril. Alors, arrêt des projets ? Loin s’en faut, le ministre de la PME considère que les projets engagés seront achevés. Par contre, a-t-il assuré, pour un prochain plan quinquennal, « il faut rester prudent ». Le ministre de la PME nous a confirmé l’orientation donnée par le Premier ministre aux membres de son gouvernement afin de « classifier » chacun « ses priorités » dans la désignation de futurs projets. Aux départements donc de « prioriser »… Les folles dépenses ne sont plus possibles dès lors que le revenu national risque de diminuer sensiblement. Autant dire que le gouvernement commence à « compter ses sous ». Il n’y a pas longtemps pourtant, le Premier ministre multipliait les sorties médiatiques pour rasséréner une opinion publique vite redevenue dubitative sur les moyens de l’Algérie à soutenir le même rythme de dépenses publiques, à l’heure de l’effondrement des cours du pétrole. A telle enseigne que son plaidoyer a largement emprunté au populisme. Aujourd’hui qu’il a instruit les ministres de son gouvernement à opérer des choix judicieux dans la détermination des projets – encore fort heureusement –, l’on ne peut tout de même s’empêcher de s’interroger sur la gestion des dépenses durant l’aisance financière.

La Banque mondiale, dans une étude effectuée au profit du gouvernement, a mis à nu les tares de gestion des projets et sonné l’avertissement contre le gaspillage d’argent public. Le gouvernement Ouyahia a-t-il donc intégré dans le nouveau programme la contrainte financière ? Mieux vaut tard que jamais. En fait, les dirigeants du pays sont devant une équation difficile : s’ils ont été presque incapables de gérer l’opulence, que peuvent-ils en période de carence ?

Par Ali Benyahia