Les boulangers accusent : Une mafia des matières subventionnées

Les boulangers accusent : Une mafia des matières subventionnées

par A. Mallem, Le Quotidien d’Oran, 21 mai 2013

De passage, hier, à Constantine où il a participé à une rencontre régionale des boulangers de l’Est, M. Hadj Tahar Boulenouar, «le porte-parole officiel» du Syndicat des commerçants, l’Union générale des commerçants et artisans d’Algérie (UGCAA), a déclaré, en pesant bien ses mots, qu’il y a un groupe mafieux spécialisé dans le détournement des matières subventionnées par le gouvernement – la farine et la poudre de lait par exemple – pour fabriquer des gaufrettes et de la pâtisserie ainsi que des dérivés du lait et le fromage entre autres.

«Ce ne sont pas les commerçants, ni les boulangers qui sont responsables du détournement de plus de 30 % de la farine subventionnée. Ce sont d’autres milieux liés à l’import et aux minoteries», dira-t-il. Aussi, notre interlocuteur a-t-il estimé que tant que la politique actuelle de subvention persiste, le problème des boulangers restera entier. «Il faut subventionner le consommateur et non le produit. Je ne dis pas qu’il faut éliminer ou arrêter les subventions, mais il faut que celles-ci soient réorientées judicieusement. D’où la nécessité de réviser la politique actuelle des subventions pratiquée par le gouvernement», a-t-il affirmé.

A propos du projet de création de boulangeries industrielles transformant entre 100 et 120 quintaux par jour avec un nombre réduit de travailleurs, M. Boulenouar a fait remarquer que ceux qui prônent cette idée ont même prétendu que le pain sera vendu à 3 dinars la baguette. «Le vrai commerçant et l’UGCAA s’opposent fermement à ce projet par ces unités qui feront du mal à l’économie nationale, au consommateur et portera un coup fatal aux artisans boulangers», a-t-il rétorqué avec véhémence, affirmant que «cela ne fera que précipiter le mouvement de fermeture des boulangeries». Et d’indiquer que «durant la dernière décennie, plus de 2000 boulangeries au niveau national ont été amenées à baisser les rideaux».

Le chiffre des boulangeries demeurant actuellement en activité n’est que de 20.000 sur tout le territoire national, dont 14.000 exercent avec le registre de commerce et 6.000 avec la carte d’artisan. Il indiquera au passage que «les boulangers fabriquent entre 40 et 45 millions de baguettes de pain chaque jour».

Abordant la question des intoxications alimentaires, le porte-parole de l’UGCAA a indiqué que son organisation va lancer prochainement une campagne de sensibilisation et a indiqué que «les chiffres de 6000 à 7000 cas d’intoxication annoncés chaque année sont loin de la réalité, et que les causes ne peuvent pas être imputées systématiquement aux commerçants».

Un autre point sur lequel s’est exprimé M. Boulenouar est celui du marché informel. «Il faut appeler un chat un chat, a-t-il dit d’entrée.

Nous n’avons pas un marché informel, mais un marché noir, parce que plus de 80 % des produits de contrefaçon passent par ce marché qui est utilisé comme paravent aux opérations de blanchiment d’argent».

Enfin, concernant la permanence de nuit dans les grands centres urbains, il a estimé que la question suppose avant tout la réunion des conditions de sécurité pour les commerçants qui, par la nature de leur activité, sont les plus ciblés par le banditisme qui agit maintenant au grand jour.

Quant à l’avancement des négociations menées actuellement avec le ministère du Commerce, l’intervenant a déclaré que celles-ci ont abouti à un accord sur deux points, le premier consiste à mener une réflexion pour la production d’une farine destinée uniquement aux boulangers, qui sera «indétournable» et dont la nature ne peut se prêter à la confection des gâteaux (cette catégorie de farine sera subventionnée dans de plus grandes proportions), et le second point concerne la révision des deux décrets exécutifs de 1991 et 1996 liés à l’organisation générale des boulangeries.

Hantour Maamar, président de la Commission nationale des boulangers, lui a succédé en définissant la nature et l’objectif de la rencontre des boulangers et en donnant un aperçu global des difficultés vécues par la corporation des boulangers. «Aujourd’hui, le gouvernement est unanime pour déclarer que les revendications des boulangers sont fondées et légitimes», a-t-il souligné. Ajoutant, «mais nous attendons toujours des solutions à nos problèmes. On nous a demandé des propositions, nous en avons avancé deux, lever le gel du prix du pain et apporter un plus grand soutien aux boulangers. Le ministère a répondu que cela n’était pas possible. Nous ne demandons pas une augmentation du prix du pain mais une marge bénéficiaire raisonnable pour couvrir les coûts de la fabrication». Avant de terminer et procéder à l’installation du Bureau régional de l’Est de la fédération des boulangers, M. Hantour a déclaré en substance que les boulangers demandent, depuis 17 ans, la révision des lois, du prix du pain et les problèmes se sont entassés. « Le gouvernement achète la tonne de blé sur le marché international pour 700 dollars (7000 dinars), a-t-il expliqué, et la cède à 1285 dinars le quintal aux minoteries.Ces dernières nous cèdent le quintal de farine à 2000 dinars, et ce prix demeure inchangé depuis 1996». Et il a terminé en signalant que tous les boulangers se sont fortement endettés envers les impôts, la Casnos, les minoteries et leurs locaux sont hypothéqués.