De la stratégie pétrolière américaine et de la loi algérienne sur les hydrocarbures

De la stratégie pétrolière américaine et de la loi algérienne sur les hydrocarbures

Par Hocine Malti*, Le Quotidien d’Oran, 9-10-11 juillet 2005

Les réserves prouvées de pétrole dans le monde varient, selon les sources, de 1.000 à 1.100 milliards de barils. Sur ce total, les compagnies américaines contrôlent environ 10%, soit 100 milliards de barils, dont le quart est situé sur le territoire des Etats-Unis, les trois autres quarts se trouvant principalement dans les pays membres de l’OPEP et en Asie centrale.

Pour situer l’importance de ce chiffre, il faut savoir qu’à elles seules, avec 100 milliards de barils de réserves, les compagnies américaines contrôlent l’équivalent des réserves de la Libye, de l’Algérie, du Qatar et du Nigéria réunis; c’est aussi l’équivalent de près de la moitié des réserves de l’Arabie Saoudite; c’est de même l’équivalent des réserves de tout le continent africain ou de tout le continent sud-américain. Il faut également savoir que, prises individuellement, chacune des plus grosses compagnies américaines, les «super majors», contrôlent des réserves de l’ordre de 10 milliards de barils pour les plus petites et de plus de 20 pour les plus grosses. L’invasion, puis l’occupation de l’Irak ont permis de doubler les quantités de pétrole contrôlées par ces compagnies, les réserves irakiennes estimées à 110 milliards de barils étant venues s’ajouter aux 100 précédents.

Dès son accession à la Maison-Blanche, le président américain George W. Bush et son équipe, constituée en grande partie de personnalités très proches des milieux pétroliers, dont le vice-président Dick Cheney est le symbole, ont déclenché une opération destinée à casser le contrôle par les pays de l’OPEP de leurs ressources pétrolières nationales. Cette opération doit aboutir à la prise de contrôle des compagnies nationales de chacun de ces pays par la voie de la privatisation, sinon – et c’est encore mieux – à l’ouverture au capital étranger du domaine minier de chacun d’entre eux et à la suppression du statut préférentiel généralement accordé aux sociétés nationales. Dans les deux cas de figure, les entreprises pétrolières américaines sont preneuses.

Au jour d’aujourd’hui, le système de partenariat en vigueur dans l’ensemble des pays producteurs de pétrole accorde la priorité aux entreprises nationales qui détiennent la majorité des parts dans toutes les associations avec l’étranger.

Dans son rapport sur les perspectives énergétiques mondiales de l’année 2004 (World Energy Outlook 2004), l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a étudié avec grand soin l’accès aux réserves pétrolières mondiales. Ce rapport fait ressortir que :

– 35% des réserves sont accessibles aux compagnies nationales uniquement. C’est le cas de l’Arabie Saoudite et du Mexique;

– 22% sont d’un accès limité (pour qui ?, le rapport ne le dit pas, mais on peut le deviner) et les compagnies nationales y sont associées;

– 12% font l’objet de contrats de partage de production;

– 21% sont des concessions;

– les 10% restants représentent le cas particulier de l’Irak, que l’AIE ne sait pas trop où situer.

La conclusion du rapport est saisissante par les intentions qu’elle dévoile: «Access to much of world’s remaining oil reserves is restricted» (l’accès à une grande partie des réserves pétrolières mondiales restantes est restreint).

Le fait que les réserves de l’Irak ne fassent pas partie de celles contrôlées par les compagnies nationales, la mise en exergue de celles qui se trouvent dans des concessions et l’insistance de l’AIE sur la notion d’accès restreint aux réserves pétrolières mondiales, sont révélateurs de trois vérités:

– l’accès restreint dont il est question concerne les compagnies pétrolières mondiales, les multinationales, en grande partie américaines;

– il faut inverser le rapport de force actuel et transférer la majorité des réserves pétrolières mondiales des mains des pays producteurs à celles des compagnies;

– il faut revenir au système des concessions.

En d’autres termes, il faut mettre fin à la «récréation» accordée aux pays producteurs de pétrole, voici une trentaine d’années, au lendemain de la guerre au Moyen-Orient d’octobre 1973. Après que les pays arabes exportateurs de pétrole eurent décidé de diminuer leur production de 5, de 10, puis de 15%, après qu’ils eurent imposé un embargo pétrolier à l’encontre des Etats-Unis et de certains autres pays alliés d’Israël durant la guerre, l’administration américaine du président Nixon avait lancé une vaste campagne contre les pays producteurs de pétrole avec pour but de casser ce qu’elle appelait le cartel de l’OPEP. Sous la houlette de Henry Kissinger, elle avait initié, entre autres, les actions suivantes:

1) – La création de l’Agence Internationale de l’Energie, qui regroupe les pays de l’OCDE, dont l’objectif affiché est de coordonner les démarches, de créer un front uni des pays consommateurs et d’élaborer un programme concret de mesures destinées à garantir la sécurité des approvisionnements en pétrole du monde occidental.

2) – Une campagne de dénigrement et de menaces à l’encontre des pays de l’OPEP.

3) – Un embargo sur les livraisons de pétrole par les compagnies américaines aux pays du Tiers-Monde, tout en attribuant la responsabilité aux pays producteurs. Elle cherchait, bien sûr, à casser ainsi la solidarité et le soutien manifestés par les pays non pétroliers dans la bataille que venait de déclencher l’Amérique pour la reprise en mains des réserves pétrolières mondiales. Le Tiers-Monde avait su contrer cette initiative par une contre-attaque des pays de l’OPEP qui avaient réussi à transformer «la bataille du pétrole» que voulait l’administration US en une lutte de tous les pays en voie de développement, pour la défense et la préservation de toutes leurs ressources naturelles, face aux appétits des multinationales. Il en résulta ce que l’on a appelé le dialogue Nord-Sud initié dans les années 1974/1975. Le président Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, a été l’un des participants à ce forum, représentant l’Algérie, dont la politique avant-gardiste du président Houari Boumediène en avait fait le pivot de ce dialogue.

4) – La suppression de la parité or du dollar, telle que décidée à Bretton Woods au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’équipe de Richard Nixon voulait, par cette mesure, s’attaquer à la santé financière des pays pétroliers, le baril de pétrole étant affiché et vendu en dollars.

5) – La mise à disposition des compagnies pétrolières mondiales de moyens financiers, techniques, politiques et diplomatiques colossaux afin de les aider à développer les ressources pétrolières de la mer du Nord, considérée alors comme la région du monde qui remplacerait le Moyen-Orient.

Grâce à l’exploitation intensive du pétrole de la mer du Nord et de l’Alaska, Henry Kissinger, qui en son temps avait déclaré «Laissez-les faire, nous ne les aurons que plus tôt», voyait la première partie de son rêve se réaliser au bout de quelques années. Le gouvernement US avait réussi à faire en sorte que les pays de l’OPEP ne soient plus seuls à décider du prix du brut; ils allaient dorénavant devoir le négocier avec les autres pays producteurs (Russie, Mexique, etc.), mais aussi obtenir le consentement formel ou tacite de l’AIE. Cette première victoire avait été symbolisée par le remplacement du pétrole léger d’Arabie Saoudite (Arabian Light) par le brent de la mer du Nord comme brut de référence, dans la fixation des prix sur le marché pétrolier mondial.

6) – Des menaces d’occupation par la force de certaines zones pétrolières avaient été proférées par le gouvernement américain.

Depuis cette époque, les compagnies pétrolières américaines n’ont eu de cesse de reprendre la main dans un secteur vital et stratégique. Reprendre la main veut dire augmenter les réserves qu’elles contrôlent et diminuer d’autant l’influence de l’OPEP. Elles l’ont fait en développant au maximum les ressources disponibles sur le territoire des Etats-Unis, en particulier en Alaska. Profitant de l’augmentation des prix, elles ont pu réactiver certains champs, considérés jusque-là non rentables. Elles l’ont fait aussi en important massivement du pétrole du Moyen-Orient, non pour le vendre mais pour le stocker dans des gisements abandonnés situés en territoire américain. Elles l’ont fait également en se lançant dans l’aventure pétrolière en ex-URSS, en Sibérie tout particulièrement, en y fournissant des services en contrepartie de ventes massives de pétrole russe. Elles l’ont fait enfin en produisant de manière intensive les gisements pétroliers de l’Angola, profitant pour cela de la situation de guerre civile dans laquelle se débattait ce pays.

Après la chute du mur de Berlin et l’éclatement de l’URSS, c’est vers les républiques d’Asie Centrale qu’elles se sont retournées pour y acquérir des droits de propriété sur la production de pétrole qu’elles avaient contribué à générer.

Avec les pays de l’OPEP, c’est une nouvelle stratégie qu’elles ont adoptée. A défaut de contrôler les gisements eux-mêmes, elles se sont assurées le contrôle de nouvelles quantités de pétrole grâce au nouveau type de contrat qu’elles ont réussi à imposer, celui du partage de production (Production Sharing Agreement, PSA). En contrepartie des travaux qu’elles mènent sur les champs sur lesquels elles sont toujours associées à la compagnie nationale du pays hôte, il leur est livré des quantités de pétrole qui n’ont rien à voir avec leur taux de participation. Ces quantités, appelées en jargon pétrolier le «cost oil» et le «profit oil», représentent le remboursement des coûts de production et leur participation aux profits générés. Elles bénéficient d’un autre avantage dans le cadre du PSA: elles échappent à toute tracasserie administrative, de l’administration fiscale en particulier, et sont à l’abri de toute variation intempestive du taux d’imposition du pays hôte. C’est l’associé, la compagnie nationale, qui prend en charge leurs obligations fiscales, les quantités de pétrole qu’elles reçoivent étant nettes de tous impôts et taxes. L’inconvénient de ce système – si l’on peut appeler cela un inconvénient, mais pour elles c’en est un visiblement – est qu’elles n’ont pas la propriété des réserves contenues dans le sous-sol.

Aujourd’hui, les multinationales pétrolières veulent aller au-delà du système du PSA et augmenter encore plus les réserves qu’elles contrôlent. Si celles-ci semblent stagner depuis quelques années, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus rien à découvrir, mais parce que les compagnies elles-mêmes n’ont pas engagé à temps les investissements nécessaires; elles ne l’ont fait ni pour augmenter les capacités de production des champs en activité, ni pour lancer les programmes d’exploration qui auraient permis de mettre à jour de nouvelles réserves. Les pays producteurs ne se sont jamais opposés à la réalisation de nouveaux travaux de recherche; bien au contraire, ils ont toujours souhaité voir les grandes compagnies explorer encore plus leurs territoires et y faire de nouvelles découvertes. Toutes les études entreprises par l’AIE, par le secrétariat général de l’OPEP ou par les grandes banques américaines sont d’accord pour constater que les compagnies pétrolières internationales n’ont pas réalisé à temps les investissements voulus durant les 15 à 20 dernières années. De ces différentes études, il ressort que l’investissement nécessaire pour la mise à jour et la production d’un baril équivalent de pétrole est, en moyenne, de 2,25 $ en Amérique latine, de 2,95 $ en Afrique, au Moyen-Orient ou dans la région Asie/Pacifique, alors qu’il oscille entre 7,85 et 8,00 $ aux Etats-Unis; il est donc trois fois plus cher de produire un baril équivalent de pétrole aux USA que dans les autres zones productrices du monde. La logique financière qui anime ces sociétés voudrait donc qu’elles aillent chercher du pétrole plutôt en dehors du territoire américain.

Cependant, les perspectives énergétiques de l’AIE pour 2004 nous révèlent que 64% des puits forés dans le monde, durant la période 1995-2003, l’ont été en Amérique du Nord (Etats-Unis + Canada), contre 22% au Moyen-Orient et un maigre 2% en Afrique-Amérique Latine-Asie/Pacifique. Une telle constatation est d’autant plus incompréhensible que le même rapport nous apprend que l’on estime que 55% des réserves qui restent à découvrir se trouveraient plutôt au Moyen-Orient (28%) et en Afrique-Amérique Latine-Asie/Pacifique (27%), contre 24% pour l’Amérique du Nord. Le taux de remplacement des réserves durant la période 1997-2001, c’est-à-dire le rapport des quantités découvertes aux quantités extraites durant la période, est un autre facteur qui plaide en faveur de la recherche pétrolière en dehors du territoire américain. Il est supérieur à 200% dans les trois zones citées plus haut, contre 150% aux USA.

En résumé:

– il est moins coûteux de rechercher du pétrole en dehors des USA,

– les chances de découvertes sont plus grandes ailleurs dans le monde qu’aux USA,

– les découvertes faites ailleurs dans le monde sont plus importantes.

C’est pourquoi l’AIE a lancé un sérieux rappel à l’ordre à ses pays membres et aux multinationales et attiré leur attention sur le fait que si le nombre de découvertes a chuté ces dernières années, c’est parce que l’exploration s’est transportée vers des régions qui offrent moins de perspectives. Elle leur a aussi rappelé dans ces perspectives d’avenir que quelque 85% de l’augmentation de la production mondiale de pétrole durant le prochain quart de siècle proviendra des pays du Tiers-Monde. En conclusion du rapport, elle les met spécifiquement en garde contre les erreurs du passé et leur recommande de consentir les investissements nécessaires au bon endroit, au bon moment.

Venant de la part d’un organisme dont la raison d’être est de garantir précisément la sécurité énergétique des pays de l’OCDE, ce sont là des remarques d’une extrême gravité, c’est un cri d’alarme que lance l’Agence.

Cette digression sur la situation critique du marché pétrolier nous permet de comprendre pourquoi George W. Bush et son équipe de pétroliers texans ont mis les questions pétrolières au sommet de la liste des priorités dès leur arrivée à la Maison-Blanche en l’an 2000. Ce sont des milliers de bureaux d’études et de centres de réflexion (les fameux «think tank» américains) qui ont entrepris, en majorité pour leurs propres comptes, des études de portée locale, régionale, nationale et internationale, pour faire le bilan, à tous les niveaux, de la situation de l’industrie pétrolière. De ce foisonnement d’idées sont sorties des perspectives d’avenir, dont les conclusions et actions, triées puis regroupées, constituent les grands axes de la politique énergétique des Etats-Unis. Ces axes sont les suivants:

– D’abord une amère constatation. Les milieux d’affaires, les milieux politiques et les milieux financiers américains ont réalisé, avec beaucoup de retard, que la Chine était devenue, durant la dernière décennie, gros consommateur et gros importateur de pétrole. Les compagnies américaines ont été prises au dépourvu par le boom économique chinois et ont été surprises de constater à quel point la CNPC (China National Petroleum Corporation) et la CNOOC (China National Offshore Oil Company) étaient devenues de sérieux concurrents à l’échelle mondiale.

– La durée de vie des réserves prouvées, contrôlées par les super majors américains, tournent aux alentours de 12 à 13 ans. Sachant que les réserves prouvées ne sont jamais totalement produites (le taux de récupération maximum évolue plutôt entre 50 et 70%), la durée de vie garantie des réserves de ces compagnies est plutôt de l’ordre de 6 à 8 ans.

– Le taux de remplacement annuel des réserves des super majors est en moyenne de 100%, ce qui signifie que de grosses sociétés, comme Exxon Mobil ou Chevron Texaco, n’augmentent pas leurs réserves d’une année sur l’autre. Elles arrivent tout juste à assurer le remplacement des quantités écoulées dans l’année par la découverte de réserves équivalentes.

– Le coût moyen pour la production d’un baril équivalent de pétrole est près de deux fois moindre quand ce baril provient d’un champ déjà en activité qui serait repris. L’alternative plus onéreuse, c’est le champ qui ne serait mis en exploitation qu’à l’issue de travaux d’exploration et de développement.

De la stratégie pétrolière américaine et de la loi algérienne sur les hydrocarbures

Pour illustrer cette notion disons, à titre d’exemple, que si une compagnie comme Exxon Mobil venait à racheter tout ou partie du champ de Hassi Messaoud, le pétrole qu’elle y produirait reviendrait deux fois moins cher en comparaison à du pétrole qu’elle irait chercher dans une région vierge.

C’est sur la base de tous ces éléments que l’administration de George W. Bush a bâti sa nouvelle stratégie, celle du retour au système des concessions que l’on a connu jusqu’au début des années 70. Elle veut, par ce système, garantir aux compagnies américaines la propriété des réserves pétrolières des champs sur lesquels elles interviendraient. Dans le cadre de la libéralisation totale de l’économie mondiale que nous vivons, ces réserves sont inaliénables. Tout pays qui accepterait ces nouvelles règles ne pourra plus faire marche arrière, ni se réapproprier ses ressources naturelles nationales, sauf à encourir de graves représailles diplomatiques, économiques, voire militaires.

Par l’imposition de ce nouveau système de relations avec les pays producteurs, le gouvernement américain veut aussi permettre aux compagnies pétrolières d’investir en toute quiétude et donc augmenter sans crainte la production des champs qui leur auront été concédés, garantissant ainsi un approvisionnement abondant et régulier des Etats-Unis. L’équipe de la Maison-Blanche cherche aussi à prendre de vitesse les entreprises chinoises, qui se trouveraient automatiquement exclues des zones sur lesquelles opéreraient les multinationales américaines.

La seconde orientation de cette stratégie consiste à favoriser, autant que faire se peut, l’acquisition de gisements pétroliers ou gaziers déjà découverts. Cela coûte moins cher mais aussi la disponibilité des hydrocarbures est immédiate; il ne faut, en effet, pas attendre les quelques années nécessaires pour faire de l’exploration, qui serait suivie en cas de découverte, de travaux de développement, avant d’aboutir à la mise en exploitation. Sur ce point, la loi sur les hydrocarbures récemment adoptée par le parlement algérien répond totalement aux voeux des Américains.

La guerre contre les Talibans en Afghanistan a constitué un moment très important et révélateur de l’évolution de la démarche américaine vers la définition de la nouvelle doctrine pétrolière. La présence de l’armée US dans le pays et son installation sur plusieurs bases tout autour de l’Afghanistan ont conforté la position des compagnies américaines déjà présentes dans certaines des républiques ex-soviétiques d’Asie centrale. La nomination de Hamid Karzaï, ex-employé de l’Union oil of California (UNOCAL) à la tête de l’Etat, suivie de la désignation de Zalmay Khalilzad, également un ancien de UNOCAL, d’abord comme représentant personnel du président George W. Bush, chargé de la mise en place des nouvelles structures politiques afghanes, puis ambassadeur à Kaboul, ont démontré que la guerre avait pour but réel la pénétration du nouvel eldorado pétrolier que représentent ces pays qui s’étendent depuis la Turquie à l’ouest, jusqu’à la frontière chinoise à l’est.

Au lendemain de cette guerre et avant celle d’Irak, l’administration du président George W. Bush était à la recherche du moyen qui lui permettrait de créer une brèche dans la carapace de l’OPEP quand – ô divine surprise – l’Algérie s’est proposée pour aider dans la mise en place de la nouvelle stratégie. Le 22 novembre 2002, le Washington Times publiait un article, écrit de la main du président Abdelaziz Bouteflika lui-même, dans lequel il disait: «L’Algérie ambitionne de devenir le premier producteur du continent africain et ainsi assurer aux Etats-Unis la sécurité énergétique supplémentaire dont ils ont besoin». L’avant-projet de loi sur les hydrocarbures était déjà à l’ordre du jour à cette date. Le président de la République ne pensait peut-être pas que l’adoption de ce texte de loi susciterait une forte opposition dans l’opinion publique et la manifestation de force de la centrale syndicale UGTA, que l’on a constatées plus tard, pour afficher ainsi une position aussi tranchée. Il fut amené alors à geler temporairement son initiative.

Ce texte faisait partie avec deux autres, relatifs l’un aux mines, l’autre à l’électricité, de l’étude entreprise par le bureau d’études new-yorkais Pleasant & Associates, pour le compte du ministère de l’Energie et des Mines, dans le cadre d’un accord de financement de la Banque mondiale. Or la loi sur les mines et celle sur l’électricité, qui ouvrent totalement ces deux secteurs à l’investissement privé, avaient été adoptées sans opposition notable de quelque partie que ce soit. Du point de vue américain, tout se déroulait parfaitement bien, au point que Mr Samuel Bodman, actuel secrétaire d’Etat à l’Energie, sous-secrétaire d’Etat au Commerce à l’époque, pouvait se permettre de recommander à l’Algérie – sans que personne n’y trouve rien à redire – d’ouvrir plus son secteur pétrolier en adoptant le nouveau texte de loi.

De tous temps, les Américains ont essayé d’avoir accès, par toutes sortes de moyens, à de nouvelles sources d’énergie. Les compagnies pétrolières sont très respectueuses des lois et règlements quand elles opèrent sur le sol des Etats-Unis; à l’étranger la politique d’exploitation se confond souvent avec la stratégie expansionniste du gouvernement. La symbiose Etat – Entreprises fait qu’il arrive souvent – pour ne pas dire toujours – que celles-ci jouent un rôle de pionnières dans la région du monde que le gouvernement a décidé de pénétrer. Les intérêts stratégiques en jeu sont si importants et les masses financières brassées tellement énormes, qu’ils priment toujours sur les lois du pays hôte. La fin justifiant les moyens, on ne lésine pas sur le choix de ces moyens. L’exemple le plus typique est celui de l’Afghanistan.

En 1995, Union oil of California lançait, en association avec la société séoudienne Delta, le projet d’exploitation du gaz du Turkmenistan. UNOCAL qui détenait la majorité des parts dans l’affaire comptait, à cette date, parmi ses dirigeants et hauts cadres, des personnalités qui deviendront mondialement connues plus tard; madame Condoleezza Rice, actuel secrétaire d’Etat, Mr Hamid Karzaï, actuel chef de l’Etat en Afghanistan et Mr Zalmay Khalilzad, déjà cité, aujourd’hui ambassadeur à Bagdad, étaient les plus en vue.

En quoi consistait ce projet ? Il s’agissait de transporter le gaz en provenance du champ de Dauletabad au Turkmenistan, par un gazoduc de 1450 kilomètres de long à travers l’Afghanistan, puis le Pakistan où il devait se séparer en 2 branches, l’une devant desservir l’Inde, l’autre aboutissant à un terminal gazier au bord de l’océan Indien. On a appelé cela le projet CentGas. Le hic est que la guerre civile faisait rage en Afghanistan et les chefs de guerre ne maîtrisaient pas suffisamment leurs troupes. Aux yeux de UNOCAL et de la CIA, seuls les Talibans avaient des troupes suffisamment importantes et suffisamment disciplinées pour pouvoir imposer «la paix» nécessaire au bon déroulement du chantier de construction du gazoduc et à son exploitation ultérieure. Alors on soutient les Talibans, on met à leur disposition d’importants moyens financiers, on leur fournit des armes, des moyens logistiques, on fait «ami – ami» avec Oussama Ben Laden. On a fait un si bon travail, qu’après avoir été longtemps cantonnés dans le sud du pays, les Talibans lançaient une grande offensive qui allait balayer toutes les autres armées – y compris celle de Shah Messaoud, que l’on vénérera plus tard – et prendront le pouvoir dans le pays. Les Etats-Unis connaîtront les conséquences funestes de cette décision le 11 septembre 2001, le reste du monde en ressentira les secousses plus tard à Madrid et ailleurs, avec des actes terroristes de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. Des milliers de morts, des conséquences insoupçonnables, telle est finalement la facture que le monde a payé et continue de payer pour la construction d’un gazoduc, dont le projet a été en apparence annulé, au moment où a commencé la traque d’Al Qaïda, avec le bombardement d’une usine de produits chimiques au Soudan.

Un autre exemple frappant de mélange des genres entre les milieux pétroliers et les milieux politiques nous est fourni par l’OPIC (Overseas Private Investment Corporation), une agence gouvernementale américaine de cotation, spécialisée dans l’évaluation des risques politiques, qui décidait brusquement en avril 2004, de ne plus donner son accord pour tout investissement au Venezuela. La raison ? Lors des grèves insurrectionnelles de 2002 et 2003 dans le secteur pétrolier, des employés américains de la compagnie Sciences Applications International Corporation (SAIC), détachés auprès de la société vénézuélienne Intesa, elle-même en charge de la gestion du système informatique de la compagnie nationale des pétroles PDVSA, ont contribué à saboter ce système. Le but recherché, dicté probablement par certaines officines de Washington, était bien sûr de perturber les opérations techniques, commerciales et financières de PDVSA, en agissant par l’intermédiaire d’Intesa, elle-même filiale commune de SAIC et de PDVSA. Le pot aux roses ayant été découvert, cette dernière décidait de dissoudre Intesa, d’où la réaction de l’OPIC de s’opposer à tout investissement au Venezuela.

Ce n’est là que l’un des nombreux épisodes de la tentative de déstabilisation du président Hugo Chavez, déclenchée par l’administration américaine suite à l’entrée en vigueur, en janvier 2002, d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui a fait passer les royalties payées par les compagnies étrangères de la fourchette 1 à 16,66%, à celle de 20 à 30%; de même, cette loi a instauré la possibilité d’association entre une entreprise étrangère et PDVSA, à condition que celle-ci en détienne au moins 51% des parts. De telles associations peuvent être créées dans le domaine de l’exploration, de la production, du transport et du stockage du pétrole brut. Enfin et surtout cette nouvelle loi était venue mettre fin au système plus libéral mis en place au début des années 90, ce qui n’a pas été du goût des compagnies et de l’administration américaines. On sait que finalement la tentative de déstabilisation du président Chavez a fait long feu, malgré la grève insurrectionnelle qui a paralysé le secteur pétrolier en décembre 2002 et janvier 2003 et qui a fait chuter la production, durant ces deux mois, du niveau habituel de 2,75/2,8 millions de barils par jour à celui de 1 million de barils par jour. On se souvient aussi que le gouvernement américain, si soucieux par ailleurs de donner des leçons de démocratie, avait applaudi au coup d’Etat éphémère qui avait permis d’évincer du pouvoir, durant 48 heures, un président de la république, régulièrement élu par son peuple.

L’exemple vénézuélien est typique en ce sens qu’il illustre parfaitement la collusion d’intérêts entre les compagnies pétrolières et le gouvernement. Il est aussi plein d’enseignements pour nous Algériens, car il montre bien ce qui pourrait nous arriver si nous venions à vouloir remettre en cause un jour les dispositions de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. C’est une raison supplémentaire pour ne pas la mettre en application, alors qu’il est encore temps, une raison qui vient se rajouter aux autres dangers qu’elle recèle et que l’auteur de ces lignes a souligné à plusieurs reprises et notamment dans une lettre ouverte à monsieur le Président de la République, au mois de mars dernier.

Un troisième exemple, plus proche de nous, démontre comment la raison d’Etat vient à point nommé, protéger les intérêts des compagnies pétrolières. Il s’agit de l’initiative, lancée en novembre 2002 par le Département d’Etat, dite Pan Sahel Initiative. C’est, comme on le sait, une action d’assistance et de formation fournie par le Pentagone aux armées et services de sécurité de 9 pays de la région du Sahel, afin de les aider à lutter contre le terrorisme. On sait aussi que dans le domaine des relations internationales, il n’y a pas de charité, il n’y a que des intérêts. On peut donc logiquement penser que le but réel de la Pan Sahel Initiative est plutôt d’enseigner aux 9 pays concernés comment lutter contre le terrorisme qui pourrait s’attaquer aux intérêts américains, beaucoup plus qu’à celui qui les concernerait eux-mêmes. La preuve ? Qui s’est porté au secours de l’Algérie quand elle a été touchée par ce fléau ?

Les 9 pays en question sont: le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie, le Sénégal, le Mali, le Niger, la Tunisie, le Tchad et le Nigeria. Trois points importants sont à noter ici.

1 – A l’exception du Maroc et du Mali, tous les autres possèdent des réserves plus ou moins importantes de pétrole. Le Nigeria possède des réserves prouvées de 31,5 milliards de barils, l’Algérie en a 11,8 milliards, celles du Tchad sont estimées, à ce jour, à 1 milliard (le pays en est à ses tout premiers débuts de l’aventure pétrolière), le Sénégal possède 700 millions de barils, la Tunisie 308 millions, le Niger 300 millions et la Mauritanie 200 millions. Tout autour de ces pays, on en trouve d’autres qui sont également riches en pétrole; la Libye a des réserves prouvées de 39 milliards de barils, le Soudan en a 563 millions, tandis que le Sahara Occidental a un sous-sol très prometteur.

2 – Les compagnies pétrolières américaines sont présentes en masse dans tous ces pays. On y retrouve aussi bien des majors, tels que Exxon Mobil ou Chevron Texaco, que d’autres grosses compagnies dites indépendantes telles que Anadarko, Occidental, Amerada Hess, Hunt Oil et bien d’autres encore.

3 – Est-ce un hasard du calendrier (?) que ce soit en juillet 2003, c’est-à-dire au moment où la Pan Sahel Initiative commençait à prendre forme, que le consortium composé de Exxon Mobil (40%), Chevron Texaco (25%) et Petronas (une entreprise malaisienne pour 35%), ait mis en exploitation le champ découvert dans le bassin de Doba au Tchad. En octobre de la même année, le nouveau pipeline Tchad – Cameroun destiné à évacuer ce pétrole, délivrait au terminal pétrolier de Kribi, près de Douala, ses premiers barils de pétrole.

Ces trois remarques nous amènent à penser que l’initiative PSI a surtout pour but d’aider les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme qui pourrait s’attaquer à ce type d’intérêts stratégiques américains, nombreux dans la région. Sinon, pourquoi alors les Etats-Unis, si désireux de porter assistance à autrui, n’aideraient-ils pas ces mêmes pays à lutter contre un autre fléau, celui des criquets ?

On pourrait citer encore la Bolivie, la Géorgie, le Nigeria, l’Indonésie et de nombreux autres exemples de l’interventionnisme américain là où il y a du pétrole. La grande leçon à retenir est que la présence des compagnies pétrolières américaines signifie toujours la présence de l’Etat américain et qu’à partir du moment où l’on touche à leurs intérêts, on s’attaque à l’Amérique elle-même. Il est bien sûr courant de voir le gouvernement d’un pays donné se faire l’avocat de ses ressortissants – individus ou entreprises – et défendre leurs intérêts auprès des autorités d’un autre pays. Cependant la spécificité de l’industrie pétrolière par rapport à toute autre activité économique est que les masses d’argent en jeu sont astronomiques, au point que même les moyens les plus condamnables sont utilisés pour en gagner encore plus.

Par ailleurs, le pétrole est un produit stratégique sans lequel aucune industrie, aucun moyen de transport, ni aucune activité économique ne peuvent fonctionner. On a bien vu les Néerlandais utiliser des calèches, faute de carburant ou Piccadilly Circus plongé dans l’obscurité, lors de l’embargo décrété par les pays de l’OPAEP, en octobre 1973. A la grande différence des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne ou d’autres pays encore, les Etats-Unis disposent de moyens de coercition diplomatiques, politiques, économiques et militaires tellement importants qu’ils n’hésitent pas à utiliser massivement, qu’à ce jour, aucun parmi les pays producteurs de pétrole n’a osé remettre en question le statu quo qui prévaut dans les relations avec les compagnies, à travers les contrats de partage de production (PSA). En détériorer les termes signifierait subir les foudres de l’armada américaine; les améliorer, en faisant des concessions du genre de celles que l’Algérie est sur le point de consentir, signifie entrer dans un processus sans possibilité de faire marche arrière, un processus qui, de plus, mène à l’appauvrissement du pays et à la perte de souveraineté sur ses propres ressources naturelles. D’ailleurs ces contrats PSA ne sont pas si «mauvais» qu’on veut le faire croire. Qu’on en juge. C’est en grande partie grâce à des contrats de partage de production qu’Exxon Mobil a réalisé un revenu global de 291 milliards de dollars en 2004 et de 237 en 2003, tandis que les revenus de Chevron Texaco, pour les mêmes années, ont été de 151 milliards et de 120 milliards, respectivement, soit l’équivalent de 5 à 10 fois le revenu annuel de l’Algérie!

Dans les conseils d’administration et parmi le staff de direction de ces deux sociétés, prises à titre d’exemple -dans les autres c’est pareil- on trouve d’anciens secrétaires d’Etat, des sénateurs, des gouverneurs, des conseillers du président ou du secrétaire d’Etat à l’Energie ainsi que des personnalités comme James Baker, ex-représentant du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental. Ces dirigeants font partie de lobbys, qui sont légion aux Etats-Unis et qui sont d’une grande influence sur les politiciens, tout comme ils entretiennent des liens solides avec tous les services de sécurité, avec lesquels ils procèdent à des échanges d’information permanents. Imagine-t-on sérieusement en Algérie, que l’on puisse lutter à armes égales avec de telles armadas aux moyens humains, matériels, techniques, juridiques ou financiers aussi énormes? Pense-t-on réellement que l’organisme de contrôle Alnaft pourra suivre, contrôler et éventuellement sanctionner des groupes politico-militaro-industriels aussi puissants?

Selon la nouvelle loi sur les hydrocarbures, toute entreprise étrangère qui viendrait exploiter le pétrole algérien, le ferait dans le cadre d’un contrat passé avec l’Etat. Un contrat est un document qui définit les droits et obligations des parties, il ne fixe pas des techniques ou des moyens d’exploitation. La compagnie pétrolière qui arrive dans le pays est consciente que le droit à l’exploitation qui lui a été consenti est limité dans le temps. Elle sait aussi que le monde est entré dans une phase de pénurie pétrolière, que le pétrole qu’elle va produire sera de plus en plus demandé, donc de plus en plus cher. Elle ne sait par contre pas quelle sera la situation à l’horizon 2030? Toutes les études entreprises par l’Agence Internationale de l’Energie, par le Département à l’Energie US ou par les majors eux-mêmes, n’élaborent d’ailleurs des perspectives que pour les 25 prochaines années. Connaissant tous ces paramètres, cette compagnie va pomper au maximum le champ dont elle aura obtenu la concession. Qui n’en ferait d’ailleurs pas autant avec un pétrole à 50 ou 60 $ le baril et que de nombreux spécialistes voient atteindre bientôt le prix de 100 $ le baril?

On pourrait penser que l’Algérie a également intérêt à produire au maximum. La réponse est, hélas, non et ce pour plusieurs raisons. La première est que quel que soit le prix, 50, 60 ou 100 $ le baril, la quote-part du pays producteur ne dépasse guère les 5 à 6%, tandis qu’elle est de 15 à 20% pour l’entreprise pétrolière, toutes activités confondues et qu’elle atteint jusqu’à 80% pour le pays consommateur. La deuxième raison est directement liée à la nature de l’activité pétrolière. L’exploitation intensive d’un gisement déclenche un mouvement des autres fluides qu’il contient, à savoir le gaz et l’eau. L’envahissement de la couche pétrolifère par l’un ou l’autre de ces deux fluides peut provoquer un piégeage de grosses quantités de pétrole que les moyens techniques actuels ne permettent pas de récupérer, des quantités qui sont donc perdues à jamais. La compagnie qui n’est que «de passage» sur le gisement concerné, se fiche des conséquences à long terme d’une exploitation forcenée, ce qui n’est pas le cas du pays hôte. L’Algérie sera toujours là dans 25 ans, de nouvelles générations seront nées; 60 millions d’Algériens devront vivre ou survivre grâce à la richesse dont la Nature a doté leur pays. A supposer même que l’on ait intérêt à augmenter, à court terme, les recettes pétrolières, est-on certain que le pays dispose des infrastructures, des moyens humains et matériels pour utiliser à bon escient les milliards de dollars supplémentaires qu’il engrangerait? Tous les économistes algériens, y compris l’ex-ministre des Finances Abdellatif Benachenhou, sont sceptiques quant à la capacité de l’Algérie de consommer la cinquantaine de milliards de dollars prévue dans le programme économique de la période 2005-2010. Reste bien entendu, la solution de placer ces pétrodollars dans des banques. A quoi serviraient-ils alors? C’est à partir du moment où leur pays a opté pour une telle solution, que les jeunes Séoudiens ont connu la pauvreté et le chômage.

On aura constaté qu’il a été beaucoup question des compagnies américaines tout le long de cette analyse. La raison en est bien simple. L’industrie pétrolière est une industrie essentiellement américaine. Ce sont des centaines, si ce n’est des milliers de compagnies pétrolières, toutes présentes dans le secteur exploration-production, qui sont recensées à travers les Etats-Unis, quand dans d’autres pays on en trouve rarement plus d’une. Le matériel utilisé sur un appareil de forage, dans un centre de production ou sur un pipeline est en grande partie du matériel américain. Les standards utilisés pour la fabrication des matériels et équipements pétroliers sont américains. L’American Petroleum Institute (API) est un organisme qui fixe, pour le monde entier, les normes utilisées dans le domaine du pétrole et du gaz, qu’il s’agisse de longueurs, d’épaisseurs, de diamètres, de pressions, de températures, de densités ou de tout autre paramètre. Les quantités sont exprimées en barils, tandis que le prix est en dollars par baril. Les techniques utilisées dans la recherche, la production, le transport ou le traitement du pétrole sont dans leur grande majorité des techniques américaines. Ainsi donc quel que soit le côté par lequel on aborde l’activité pétrolière, on a affaire à des interlocuteurs américains qui dominent outrageusement le secteur, loin devant les entreprises des autres pays.

Face aux pays producteurs, les Etats-Unis sont Goliath face à David. Unis au sein de l’OPEP, les pays pétroliers peuvent cependant inverser le rapport de forces. C’est pourquoi, il ne faut surtout pas casser la solidarité qui a existé jusqu’à ce jour au sein de l’Organisation. Alors que tous les pays membres continuent à privilégier le système du PSA, l’Algérie est seule à ramer à contre-courant. Il n’existe pas de concurrence entre les pays de l’OPEP à l’heure qu’il est, contrairement à ce qu’affirmait récemment l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, qui disait que l’Algérie voulait, grâce à sa nouvelle loi, être compétitive face à d’autres, tels que la Libye. Comment peut-il y avoir concurrence sur un produit, à un moment où la demande sur le marché de ce produit est de loin supérieure à l’offre et qu’une telle situation est appelée à durer encore longtemps?

Pour conclure, nous citerons encore une fois l’ambassadeur américain à Alger, qui au cours de la même déclaration à la presse, disait que pour la première fois, depuis qu’elle est indépendante, l’Algérie partage avec les Etats-Unis une vision commune politique et économique. Vu qu’il est peu probable que ce soit les Etats-Unis qui se seraient alignés sur la vision algérienne, il est donc certain que la loi sur les hydrocarbures que Monsieur Richard Erdman juge bonne pour l’Algérie l’est plutôt pour son pays. Elle l’est à coup sûr puisqu’elle permettra au rêve de Henry Kissinger de se matérialiser. Trente années auront été nécessaires pour faire, peut être, voler l’OPEP en éclats. Si cela devait se produire, l’Algérie aura grandement contribué au succès de cette entreprise, par l’adoption et la mise en application de sa loi sur les hydrocarbures. Que les idées de Monsieur Henry Kissinger l’emportent nous importerait peu, si cela ne se faisait à notre détriment, nous Algériens, nous pays producteurs de pétrole.

* Ex-Vice-Président De La Sonatrach,