REFORME DE LA JUSTICE / 200 magistrats sanctionnés

REFORME DE LA JUSTICE:
200 magistrats sanctionnés

M. Kali, El Watan, 13.8.00

Le mouvement opéré dans le corps des magistrats chefs de juridictions a provoqué un sourd malaise au sein de la magistrature.

Mais avant d’en venir à ce fait, il y a lieu de noter que le communiqué de la Présidence commentant le mouvement a curieusement omis de signaler quelques détails d’importance dont le plus saillant est le fait que le mouvement n’est pas complet puisque des postes devenus vacants de par ce mouvement au sein de certains tribunaux n’ont pas été pourvus.
Par ailleurs, le communiqué fait l’impasse sur le passage du nombre de cours de 31 à 34, comme sur le nombre de magistrats, soit 200, dont il a été mis fin aux fonctions en tant que chefs de juridictions. Cela étant, nombre de magistrats attendent la réaction du Syndicat national des magistrats pour qu’il fasse état de leurs griefs et de leur mécontentement.Mais de source proche du SNM, on apprend que l’évaluation du mouvement est encore en cours dans la mesure où les informations recueillies sur le terrain demeurent encore parcellaires et qu’il faudra en outre se pencher sur ce qui a été décidé par le Conseil de la magistrature dont la session s’est achevée jeudi dernier.Cependant, de l’avis général, les magistrats se plaignent d’avoir fait les frais d’une politique spectacle, une politique peu soucieuse des égards auxquels a droit un corps aussi particulier que celui des magistrats. Se faisant l’écho de ce qui se dit en leur sein, un avocat rapporte la colère de nombre d’entre eux apprenant par la presse, comme tout un chacun, leur mutation. «Jamais, concernant les magistrats, dans aucun pays, une telle pratique n’a eu lieu. Alors, imaginez l’écourement des uns et des autres et la démobilisation que cela va entraîner contrairement au coup de fouet qu’on a cru donner au secteur.» Et d’expliquer que le citoyen a besoin d’une justice où l’on est bien reçu, une justice où tout le monde est à l’heure et fait ses huit heures de travail, une justice qui remet les jugements à temps aux justiciables, une justice qui respecte les indications portées sur les convocations faisant généralement que le justiciable appelé pour une heure précise passe la journée au tribunal à attendre.
«Alors, sans parler de l’équité qui doit caractériser les jugements qui devraient être rendus, pensez-vous que des magistrats démobilisés puissent faire du zèle pour un meilleur fonctionnement de leurs juridictions et donc satisfaire à ce minimum en attend le citoyen.» Un ancien magistrat reconverti au barreau évoque pour sa part le peu de considération dont on a fait montre à l’endroit d’un corps dont on a traité les membres comme des pions.
«Mais certains ont été véritablement déracinés ! Ils ont été nommés à plusieurs centaines de kilomètres de là où ils résident. Cela révèle l’importance de la suspicion qui entoure le corps.
«Alors, plutôt que faire payer tout le monde, il aurait été plus indiqué et plus économique de s’en prendre à ceux contre lesquels des dossiers existent.» Du côté des magistrats, on s’interroge sur les critères qui ont servi à nommer l’un à près de 20 ou 30 km de là où il exerçait et l’autre à l’autre bout du pays. «Il y a certains dont on est sûr que le dossier n’a pas été consulté. Il pue tellement qu’on s’étonne de leur promotion. D’autres, par contre – peu nombreux, il est vrai – ne remplissent pas les conditions exigées réglementairement pour bénéficier de la promotion dont ils ont été gratifiés.» Enfin, dernier grief énoncé, la question du logement et de son indisponibilité qui risque de mettre sous la botte des autorités locales les «mutés» et «permutés» du mouvement.
On craint de sordides petits marchandages autour de la question du logement, une question qui constituerait l’amorce pour la reconstitution de nouveaux groupements d’intérêts que l’actuel mouvement est censé avoir démantelé.

 

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