Une solution politique est toujours possible

Une solution politique est toujours possible

Par Me Mokrane Aït-Larbi*, Jeune Indépendant, 3 avril 2002

Le pouvoir n’a jamais lésiné sur les moyens pour se maintenir : corruption, répression, manipulation, fraude électorale…

Le multipartisme, tel qu’il est conçu par le pouvoir, n’a pas permis l’émergence d’une nouvelle classe politique capable d’imposer par les urnes une alternative démocratique au système et à l’intégrisme. La composition des différents gouvernements, le système de quotas à l’Assemblée populaire nationale et l’acceptation de la fraude ont démontré que le premier objectif de la quasi-totalité des partis politiques est de participer au pouvoir pour partager la rente et les privilèges au détriment du peuple. Depuis 1989, le débat entre le pouvoir et les partis politiques s’est toujours organisé autour des élections. Les aspirations populaires légitimes à une démocratie politique, économique et sociale sont renvoyées aux calendes grecques, et la revendication amazigh a été utilisée à des fins électoralistes. Aujourd’hui, il faut être aveuglé par le pouvoir ou obsédé par une vengeance quelconque pour ne pas réaliser la gravité de la situation. A moins de deux mois de la date fixée pour les élections, le pouvoir a opté pour la méthode forte en essayant de reprendre les choses en main par la répression, au lieu de traduire dans les faits les promesses du 12 mars. Une solution politique est toujours possible. Elle permettra l’établissement de la confiance entre le peuple et l’Etat, condition nécessaire pour le règlement de la crise multidimensionnelle que traverse l’Algérie et la Kabylie en particulier. Le règlement de la crise doit passer impérativement par des mesures d’apaisement concrètes et l’ouverture d’un débat public sur l’avenir de notre pays :

1- Libération de toutes les personnes arrêtées pendant les événements de Kabylie, ainsi que la cessation de tout acte de provocation par l’administration et les services de sécurité.

2 – Reconnaissance officielle de tamazight par une loi constitutionnelle conformément à l’article 176 de la Constitution qui prévoit la promulgation par le président de la République de la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire.

3 – Prolongement du mandat du Parlement pour une période raisonnable, en application de l’article 102 de la Constitution.

4 – Définir un statut légal pour les victimes et leurs familles.

5 – Fermeture des brigades de gendarmerie situées dans les lieux où la confrontation est inévitable. Et déférer devant la justice tous les gendarmes et officiers auteurs ou responsables d’homicides. Aucun crime de sang ne doit rester sans châtiment.

6 – Mise en œuvre du plan de relance économique pour atténuer les problèmes sociaux en privilégiant l’emploi des jeunes.

Dans le même sens, le mouvement des aârchs doit abandonner la revendication d’un départ pur et simple de la gendarmerie en tant qu’institution, et éviter tout acte de nature à exposer inutilement des jeunes au danger, tel que sit-in devant les brigades de gendarmerie et commissariats de police.

Une fois ces mesures d’apaisement effectives, on pourra ouvrir un large débat public, serein et responsable, sur les grandes questions qui nous interpellent. L’implication des jeunes dans ce débat permettra l’émergence de nouvelles idées et, pourquoi pas, d’une nouvelle classe politique capable d’ouvrir la voie de la paix, de la sécurité et du bien-être à tous les Algériens, dans le cadre de la République et d’un Etat de droit qui prendra en considération les spécificités de chaque région. Le règlement politique de la crise exige un gouvernement homogène et crédible capable d’organiser le débat, éradiquer le terrorisme et préparer des élections réellement libres. M. A.-L.

Avocat, ancien sénateur.