Gestion de la situation en Kabylie par le Pouvoir

Gestion de la situation en Kabylie par le Pouvoir

Le Président choisit la répression

Djamel B., Le Matin, 30 mai 2002

Depuis le 18 avril 2001, date de naissance de ce qui est appelé depuis le « Printemps noir », Abdelaziz Bouteflika, le Président de la République, n’a cessé de rythmer « sa » gestion des évènements de Kabylie qui se sont révélés comme un « véritable condensé des problèmes du pays » par le triptyque répression-manipulation-provocation. Certain qu’il allait « expédier » la colère d’une population après l’assassinat du jeune Massinissa Guermah dans une brigade de gendarmerie avec son « jamais », M. Bouteflika finit par réaliser que le mouvement citoyen avait un souffle long. Changement de tactique. M. Bouteflika caresse le mouvement citoyen dans le sens du poil et annonce la création d’une commission d’enquête sur les évènements avant de prendre toute sanction. De « groupe à la solde de l’ancienne puissance coloniale », le mouvement est promu, miraculeusement, « porteur d’une dynamique » qu’il faut « écouter attentivement » car il est « soucieux de la construction démocratique ». Face à l’intransigeance du mouvement, il tente de mettre à son profit la structure horizontale du mouvement. Il charge son Chef du gouvernement, Ali Benflis, de susciter des structures parallèles au mouvement en Kabylie en puisant dans les associations de citoyens qui ont appuyé sa candidature à l’élection présidentielle et de réduire les revendications contenues dans la plate-forme d’El Kseur à la seule dimension identitaire. La Kabylie est accusée par le chef de l’Etat de chercher son autonomie. Ses alliés de la coalition joignent leurs voix à la sienne. Ils découvrent que le mouvement des aârouch constitue un danger pour l’unité nationale et les constantes nationales, l’arabe et l’islam. Des représentants des aârouch sont fabriqués pour être conviés à un dialogue avec les représentants du Pouvoir. Pour justifier leur qualité, ils affirment que « tout le monde peut représenter tout le monde » dans la structure du mouvement. Le Pouvoir, qui obtient l’effet inverse avec la radicalisation du mouvement, lâche du lest tout en continuant à faire l’impasse sur les recommandations de la commission d’enquête, qui a clairement défini les responsables des évènements de Kabylie. Il fait octroyer par une Assemblée nationale, qui a condamné les jeunes manifestants de Kabylie et qui a demandé la répression du mouvement, un statut de langue nationale à tamazight et quelques réponses « trop vagues » à la plate-forme d’El Kseur. Peine perdue. Les émeutes reprennent. Le Pouvoir, qui a mis le cap sur les élections législatives d’aujourd’hui, opte pour la fermeté et la pression sur la Kabylie. Lundi, dans une de ses envolées, le chef de l’Etat est revenu longuement sur la situation dans la région pour affirmer qu’elle est manipulée par une puissance étrangère et demander aux Algériens de regarder désormais les partisans du boycott « autrement ». Le mouvement citoyen lui répond en montant d’un cran sa colère. Une autre énième fracture, probablement celle de trop, est opérée. Elle vient après une longue série de fractures qui ont commencé par la qualification de Massinissa Guermah par le ministre de l’Intérieur de « jeune voyou de 25 ans », alors qu’il était en possession d’informations sur la qualité de celui-ci et des raisons qui ont motivé le déplacement du lycéen à la brigade de gendarmerie de Béni Douala.