Le général Nezzar répond d’accusations, de torture

L’ancien ministre de la défense algérien est revenu s’expliquer devant la police à Paris

Le général Nezzar répond d’accusations, de torture

Pascal Ceaux, Le Monde, 7-8 avril 2002

LE VISITEUR sortait de l’ordinaire et l’entretien a été discret. Le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la défense de l’Algérie, a été entendu, à sa demande, pendant plus de quatre heures, jeudi 4 avril, à la brigade criminelle à Paris. Venu spécialement en France pour l’occasion, M. Nezzar a été laissé libre à l’issue de cette audition. Trois plaintes avaient été déposées en avril 2001 pour  » usage massif et systématique de la torture  » et  » exécutions extrajudiciaires  » contre l’officier, alors qu’il séjournait à Paris (Le Monde du 27 avril 2001) pour la promotion de son dernier livre. Ces procédures visant l’ex-membre du Haut Comité d’État – la présidence collégiale qui dirigeait l’Algérie après l’interruption du processus électoral de janvier 1992 -, avaient provoqué un imbroglio diplomatico-judiciaire.

Le parquet de Paris avait, en effet, décidé d’une enquête préliminaire, qui pouvait ouvrir la voie à une mise en cause du général, d’autant que les avocats des plaignants, Mes William Bourdon et Antoine Comte, réclamaient l’arrestation et le jugement en France de M. Nezzar en application de la Convention internationale contre la torture de 1984, dont la France est signataire. Le général algérien avait d’abord échappé à toute contrainte grâce à un fax de l’ambassade d’Algérie à Paris au Quai d’Orsay justifiant sa présence sur le territoire français par une  » mission officielle « , qui valait immunité diplomatique.

En dépit de cette couverture de dernière heure, le général Nezzar avait dû regagner précipitamment son pays. Le parquet avait fini par classer sans suite l’enquête préliminaire, en juin 2001. Ulcéré de ce départ en catimini, M. Nezzar a de lui-même, par l’intermédiaire de son avocat, repris contact avec la justice française pour être entendu. Selon nos informations, il aurait vivement contesté devant les enquêteurs de la brigade criminelle les accusations de torture portées contre lui. Ses fonctions de ministre de la défense ne lui donnaient pas autorité sur le maintien de l’ordre, aurait-il expliqué. Il aurait ajouté que l’une des plaintes déposées contre lui visait une période à laquelle il était déjà à la retraite.

 » CONSCIENCE TRANQUILLE « 
Dans un entretien au Monde du 11 octobre 2001, M, Nezzar avait manifesté son intention de répondre à toutes les questions qui pouvaient lui être posées.  » De par mes fonctions passées, avait-il notamment déclaré, j’ai à vie un passeport diplomatique, mais cela ne me met pas à l’abri de poursuites judiciaires. Pourtant, je préfère affronter la justice française que laisser faire les médias, et je suis prêt à répondre à une convocation de police. J’ai la conscience tranquille et je dispose d’assez d’arguments pour ne pas craindre une mise en examen.  » Au terme de sa longue déposition, le général a regagné, jeudi même, l’Algérie. Il n’en a toutefois pas fini avec la justice française. L’ancien ministre de la défense, cette fois dans le rôle du plaignant, devrait comparaître en juillet devant le tribunal correctionnel de Paris qui jugera de sa plainte en diffamation contre Habib Souaïdia, auteur de La Sale Guerre (éditions La Découverte).

 

 

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