Annonce par la presse du procès de Fouad Boulemia, assassin présumé de A. Hachani

Annonce par la presse du procès de Fouad Boulemia

La famille Hachani craint une «liquidation» de l’affaire

Daïkha Dridi, Le Quotidien d’Oran, 22 novembre 2000

Ni la famille de Abdelkader Hachani, ni son avocat n’ont été informés de la tenue prochaine du procès du présumé assassin du leader du FIS, assassiné il y a un an jour pour jour. L’épouse de Abdelkader Hachani, a en réalité appris la nouvelle par la presse, le procès étant annoncé par le Soir d’Algérie (édition du 22 novembre 2 000) pour courant décembre, sans autre précision si ce n’est qu’il se tiendra quelques jours avant celui des présumés assassins de Matoub Lounès (dont l’annonce est également faite par ce quotidien). Madame Hachani, calme dans son étonnement, tient seulement à dire que «l’enquête de l’instruction ne s’est pas faite normalement, ce n’est pas sérieux» et préfère renvoyer à l’avocat de la famille, constituée partie civile, Me Khellili. Ce dernier est plus que surpris d’une telle annonce. Selon lui la chambre d’accusation qui a reçu le dossier de l’instruction avait jugé l’enquête insuffisante et décidé, par un arrêt du 24 octobre dernier, le renvoi du dossier pour poursuite de l’enquête. Pour la partie civile d’ailleurs, cette enquête pèche par plusieurs omissions de taille: Me Khellili informe que l’instruction n’a pas tenu compte des déclarations écrites faites par Abdelkader Hachani avant son assassinat, à l’intention du ministère de l’Intérieur et publiée par la presse après son décès. Hachani s’était en effet, faut-il le rappeler, plaint quelques jours seulement avant son assassinat, d’avoir été séquestré par des policiers et évoqué des craintes quant à un personnage dénommé «Naïm» qui le surveillait et harcelait sa famille. Autre grief de la partie civile, le juge d’instruction a refusé de communiquer le dossier d’instruction à son avocat qui a d’ailleurs déposé plainte à ce sujet. C’est pour toutes ces raisons, ces défaillances et lacunes de l’instruction qui, à la connaissance de l’avocat de la famille entachent toujours l’enquête, que l’avocat de la famille se montre très inquiet quant à la subite précipitation des événements. Le procès arrive trop tôt pour lui, sans que toutes les pistes n’aient été fouillées, sans que toutes les insuffisances pour lesquelles ce dossier a été renvoyé au juge d’instruction, n’aient été à sa connaissance, comblées, comme dans une volonté de clore définitivement l’affaire.

D’ailleurs, dit-il, le présumé assassin, Fouad Boulemia, fait figure du «parfait assassin» pour ceux qui ne veulent pas que l’enquête soit approfondie, «il est parfait parce que tout se passe parfaitement entre lui et les enquêteurs, aucune anicroche». A ce propos, Fouad Boulemia n’aurait pas choisi d’avocat et ce serait un avocat commis d’office qui le défendrait, dit-on au tribunal d’Alger où la nouvelle du procès a également beaucoup surpris parce que non affichée dans le programme de la session criminelle qui est bouclée avec le mois de novembre. Fouad Boulemia, 28 ans, avait été présenté à la presse le 22 décembre dernier par le procureur du tribunal de Bab El-Oued, dans un sursaut inhabituel de «volonté de transparence» comme membre d’un GIA, assassin solitaire de Abdelkader Hachani. Son récit, toute l’Algérie s’en souvient et pour cause : c’est par pure coïncidence que cet homme avait décidé de mettre fin à la vie du numéro trois du FIS. La coïncidence n’est autre qu’une rage de dent, que cet homme a promenée de l’hôpital Maillot à l’autre bout de Bab El-Oued, traversant ce quartier de part en part, une arme à la poche, pour finir dans un sombre cabinet dentaire, situé derrière la DGSN et tenu de surcroît par un chirurgien femme. Le jeune flingueur dit n’avoir pas tout de suite reconnu, dans la salle d’attente, Abdelkader Hachani et a attendu que l’infirmière prononce son nom pour s’en assurer. Ce n’est pas tout, certains journaux avaient même rapporté le dilemme cornélien que Boulemia dut trancher avant d’aller tirer à bout portant sur Hachani: «Dois-je d’abord m’occuper de ma rage de dents ou dois-je commencer par tuer Hachani?» dont la tête aurait été mise à prix par le GIA. Fin du récit du plus singulier des présumés assassins de cette décennie qui, pourtant, en a connus.