LA LEGITIMITE REVOLUTIONNAIRE N’EST-IL PAS UN MYTHE SANGLANT

LA LEGITIMITE REVOLUTIONNAIRE N’EST-IL PAS UN MYTHE SANGLANT ?

Par Nour el Houda, Novembre 2000

A l’occasion du premier novembre 2000, trente huit années après l’indépendance, Lahouari Addi invite, sur internet, au débat sur la légitimité révolutionnaire en Algérie. A l’heure où 80% d’algérien sont étrangers à cette fameuse légitimité et que le peuple algérien, dans son ensemble est livré à la panade, cette légitimité ne relève-t-elle pas d’un mythe ?

Lahouari est connu pour l’objectivité de ses publications édifiantes et percutantes, souvenons-nous de la « régression féconde » et comparons le régime iranien qui est sur le point de dépasser sa « régression féconde » et solution éradicatrice algérienne qui s’est avérée stérile et qui continue à faire sombrer notre pays dans la violence sanglante.

Le courage de Addi mérite d’être à la fois salué et critiqué, salué parce qu’il a pris de gros risques, au moment opportun pour alerter l’opinion du danger qui guettait notre pays, critiqué vue que cet honorable auteur est tenu par la déontologie de sa noble corporation et bridé par la rigueur scientifique de sa formation.

Or, nous savons et Addi mieux que tout autre, que notre peuple est imputé de son histoire, de sa mémoire, il a perdu tous ses repères, il se débat telle qu’une chamelle aveugle sur un terrain accidenté. Aussi, ceux qui revendiquent la légitimité révolutionnaire ne sont-ils pas des imposteurs ? Les détenteurs de la légitimité révolutionnaire ont perdu tout réflexe de retenue, de pudeur, la déontologie et la rigueur scientifique sont inopérantes dans notre pays.

L’auteur de cette modeste et peut-être maladroite contribution n’a point de complexe quand à son algériennité. Ceux nombreux qui seraient tenté de lui attribuer quelque affinité avec le colonialisme se tromperaient lourdement.

Remettons le débat dans son contexte historique. L’empire français avait subi un « désastre » en juin 1940. Il avait été effacé de l’annuaire des états souverains. La France était devenue une colonie du troisième reich qui avait rabaissé ses habitants au rang d’autochtones.

Les Français sont colonisés à leur tour, ils se divisent, se haïssent et se trahissent. « Les 40 millions de collabos, » selon un éminent historien français, se livrent aux arrestations, à la torture, aux exécutions d’autres français. Ils exultent dans la destruction et le pillage des biens de leurs compatriotes. L’empire français est défait.

Ironie du sort, plus de 70.000 algériens s’enrôlent dans les rangs de leur occupant, offrent généreusement et gratuitement leur poitrine à la mitraille de l’ennemi de leur ennemi.

Pendant que le président Roosevelt déclare dans son discours radio diffuse du 23 février 1942 : « la Charte de l’Atlantique Nord, (droit des peuple à disposer d’eux-mêmes), ne s’applique pas seulement aux nations riveraines de cet Océan mais au monde tout entier… » Il ajoute, dans le même discours : «  si les Etats Unis  étaient entrés en guerre ce n’était pas pour conserver aux nations européennes leurs empires coloniaux mais qu’après guerre un statut politique de ces territoires serait nécessaire…» (1)

Et que M. Cordel Hull, secrétaire d’état US., lance, Lors de la conférence de Brazzaville, janvier-février 1944, son programme  d’International Trusteeship, selon lequel : «  les alliés européens devraient se préparer à donner l’autonomie aux pays colonisés dont ils jugeraient l’évolution suffisante en vue de les amener à l’indépendance. Les autres devant être placés sous tutelle internationale. » (op.cit.)

L’Algérie passe sous le contrôle des Américains qui poussent M. Ferhat Abbas à revendiquer l’indépendance de son pays dès la guerre terminée. Comme chacun sait, sans doute, Le président des AML., jusqu’ alors assimilationiste, devient par suite président de l’UDMA indépendantiste.

Le président de la première puissance mondiale, lors de son retour de la conférence de Yalta (1945), fait escale à Alger, rencontre Ferhat Abbas, lui renouvelle le soutien des États Unis dans sa démarche indépendantististe (2).

L’empire du Royaume Uni qui avait atteint son apogée avec la fin de la guerre, n’ayant aucun complexe d’infériorité à panser, démantèle ses possessions conformément à la charte de l’Atlantique Nord. Le Mahatma GANDHI, surnommé: « le fakir à demi nu » qui avait compris le cours de l’histoire, revendique et obtient l’indépendance des Indes, les joyaux de l’empire britannique, à l’aide de : « l’arme la plus puissante que toutes celles élaborées par l’intelligence de l’homme. » Par la non-violence.

Défaite, détruite, outragée, humiliée, rabaissée divisée…, la France avait impérativement besoin de l’aide américaine, plan Marshall, pour sa subsistance et pour sa reconstruction. Elle ne pouvait ni ne voulait se maintenir, en tant que puissance coloniale, en Algérie ou ailleurs.

La légitimité politique pour revendiquer l’indépendance de l’Algérie appartenait alors, jusqu’au premier novembre 1954, au PPA/MTLD. de Messali el Hadj, à l’UDMA. de Ferhat Abbas et aux Oulemas de Ibn Badis. MM.Messali Hadj, Ferhat Abbas et les Oulémas connaissaient le cours de histoire, l’état de la France et le droit international. Ils savaient que la France, en tant que puissance coloniale en Algérie ou ailleurs se conjuguait au passé. que l’indépendance était devenue irréversible, que la guerre était inutile et que si elle avait lieu elle ne pouvait être que néfaste pour plusieurs générations d’algériens.

Les six, les vingt-deux ou les trente-trois et parmi eux les neuf « historiques » (pères du FLN.) étaient issus du PPA/MTLD. S’agissant de dissidents d’un vieux et glorieux parti politique, le plus représentatif du peuple algérien, ils étaient divisés entre: messalistes, centristes, berberistes. Des bagarres ont vu le jour entre les différents groupes antagonistes pour le contrôle de cellules en décomposition, de collectes de cotisations ou pour la récupération de locaux d’un parti qui avait implosé(3). Leur atomisation rendait d’autant plus aisée leur infiltration et leur manipulation par les services coloniaux.

Avant même la réunion des 22 en juin 1954 au Clos Salambier, c’est-à-dire, en mars 1954, les renseignements généraux connaissaient, dans le détail, l’identité et la fonction des participants, l’ordre du jour de leurs travaux et leur projet de déclencher l’insurrection. Les autorités compétentes informées par leurs services généraux, ordonnent : « infiltrez leur rangs et manipulez leur chefs (4).

Le préfet Vaujour communique à ses supérieurs, en septembre 1954, deux mois avant le premier novembre, le date du déclenchement de l’insurrection et les noms des meneurs (5).

Ces groupes de six, de neuf ou vingt-deux, transfuges du PPA / MTLD, n’avaient aucun mandat pour s’exprimer au nom du peuple algérien, au mieux, ils ne représentaient qu’eux-mêmes.

Par conséquent le premier novembre ne peut être qu’un putsch, un acte de violence, un parricide politique, un début d’une série d’assassinats qui n’est pas encore close.

D’autre part, chacun aura constaté qu’à quelque exception, le nationalisme de nos anciens moudjahidin, quand il ne s’agit pas d’imposteurs, s’arrête là où les prébendes commencent. A-t-on déjà vu des cortèges d’anciens moudjahidin ou d’enfants de chouhada revendiquer un quelconque droit au peuple ? La réponse est négative ! Ils ne sortent dans la rue que pour scander le nom du locataire de el Mouradia, le garant de leurs privilèges indus.

Par ailleurs la légitimité révolutionnaire est revendiquée par des intrus à la révolution algérienne qui se sont réfugiés a l’extérieur, a l’abri des besoins et de tout danger, ils l’ ont exploitée, tel un fond de commerce, à leur exclusif profit.

M. Boukharouba Mohamed, alias H.Boumedienne déclare : «… je suis arrivé au front à bord d’un ravissant yacht blanc que le roi Hossein de Jordanie vient d’offrir à Dinah, sa nouvelle épouse mordue de progressisme… » (6). Cet adepte de croisières princières et royales en Méditerranée, a bord d’un yacht ne peut être confondu avec un quelconque révolutionnaire. Comme le Nadhor espagnol ne peut être assimiler à un front. H.B. n’avait jamais mis les pieds au front avant l’indépendance. Il a assassiné, lui et son groupe, plus de combattants nationalistes que douze officiers coloniaux de la trempe de: Massu, Bigeart et Godard.

Autres mensonges auxquels il est urgent de tordre le cou, H.B situe, dans le même ouvrage la reine en voyage de noce à Madrid

Certes, le yacht avait appartenu à la princesse d’Egypte et à la reine de Jordanie, mais en 1954, Dinah n’était plus ni princesse ni reine, encore moins en voyage de noce à Madrid. Elle avait perdu son titre de princesse avec la chute du roi Farouk en 1952, en 1954, le roi Hussein l’avait déjà répudiée, elle était ruinée.

Son ancien yacht se trouvait dans un coin perdu de Port Said, livré aux aléas marins. Sa remise en état de naviguer, réparation de la coque et machinerie avait nécessité pas moins d’un mois de travaux coûteux et acharnés. L’ancien yacht royal se trouvait alors sous la responsabilité d’un certain Hossein kheiry qui avait pour hommes liges Ibrahim Nial et Milan Bacic, deux agent des services coloniaux (6).

Le yacht sera remis en état de naviguer par les services français avec des fonds arabes. Il faut préciser que les jeunes et immatures moukhabarates égyptiennes, qui avait remis le Dinah aux algériens, étaient manipulées par les services : israéliens, britanniques, allemands, espagnols, suisses et français qui avaient impliqué l’Egypte dans la contrebande d’armes de guerre au « profit d’une entreprise terroriste » pour légitimer  l’agression tripartite contre l’Egypte en octobre 1956. De surcroît le trafic était juteux pour les services coloniaux.

Houari Boumedienne a été livré, en mars 1954, à Nadhor, Maroc espagnol, à bord d’un yacht, sous protection des services français, escorté par Ibrahim Nial, agent notoire de ces mêmes services.

Le capitaine du yacht, une fois le contenu du Dinah : hommes, pétoires et bagages livrés, dirige volontairement le yacht dans une zone rocheuse pour attirer l’attention des garde-côtes espagnoles et pour mieux monnayer sa mission. Les espagnols trouvent une caisses d’obus sur la plage, preuve irréfutable que le yacht avait livré des armes. Dans un premier temps, les Espagnols ont cru que les armes étaient destinées aux rifains marocains en guerre contre l’Espagne. Ils l’ont retenu momentanément.

Les services de Franco consultent leurs collègues français pour de plus amples informations sur la mission du Dinah. Ces derniers rassurent :  « la cargaison est destinée aux algériens ! Laissez filer le yacht ! » Les services français ont inauguré, avec le Dinah, une voie qui va s’avérer fort fructueuses. La sardine Dinah avait servi d’appât pour attirer les mérous : Athos, le Slovania, le Tigrito…

Au courant du flux tendu de fonds en provenance des pays arabes, l’Iraq versait (7), jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, trois milliards par an. Très exactement 750 millions le premier de chaque trimestre. Tous les pays arabes ont financé le FLN., chacun selon ses moyens. Certains pays arabes, pour garder de bonne relations avec la France, ont financé discrètement mais généreusement le FLN.

Les services français avec le soutien de leurs collègues occidentaux procurent au FLN. des armes, des embarcations, recrutent l’équipage via les services égyptiens manipulés. Le SDECE empoche les fonds arabes. La marine coloniale intercepte les armes sur les côtes organises qu’elle reverse dans le marché. Les mêmes armes sont vendues plusieurs fois au FLN. Celles récupérées sur le Tigrito ont été retrouvées sur le bataillon Ali Hambli(8).

Certains membres du groupe de Oujda, qui revendiquent encore la légitimité révolutionnaire, ont fini la guerre d’Algérie milliardaires, propriétaires d’appartements de grand luxe, dans des quartiers prestigieux: 16 éme arrondissement de Paris, la côte d’azur, ou au bord du lac Leman. Rachid Zeggar, l’affairiste du groupe de Oujda, en 7 ans de guerre d’Algérie, il s’était constitué une fortune cent fois supérieure à celle cumulée en cent ans de dur labeur par des Borgeaud, des Chiaffino et des Germain réunis. « Si Rachid » sillonnait le monde, dès 1962, avec ses amis, a bord d’un Boeing 737 personnel.

La révolution algérienne n’était pas une fin en soi. Après quarante ans d’indépendance « confisquée » notre peuple cri soif et famine. Privé de logement salubre. Livré à l’arbitraire des autorités, aux abus divers et variés de tout détenteur de la plus infime parcelle de pouvoir.

Nos intellectuels qui refusent de courber l’échine devant le diktat de généraux incultes, adeptes du maquignonnage politique, sont soumis aux frustrations permanentes, à la persécution, aux mauvais traitement, à la mort ou contraints à l’exile.

La France qui avait subi, de plein fouet « le désastre », la défaite de juin 1940 et l’occupation qui s’en était suivie jusqu’ à en août 1944, libérée par ses colonisés et par ses alliés, perdait son statut de grande puissance. Après la dernière Guerre, les français étaient rongés par le complexe d’infériorité. Divisés, ils avaient, à l’instar des algériens, contracté la malédiction débusquée par Ibn Kheldoun au quatorzième siècle, ils semblaient s’être mis : «  définitivement d’accord pour ne plus jamais se mettre d’accord… »

Le déclenchement de l’insurrection algérienne était du pain bénit pour la classe politique française, toute tendance confondue, elle leur avait permis d’effacer le souvenir du désastre de juin 40, de dépasser leurs différends, de se ressaisir, de s’unir, de se solidariser, d’assainir leurs institutions politiques avant de rebondir. La guerre d’Algérie a permis à la France de reprendre son rang dans le concert des nations, mieux encore, en se débarrassant de son fardeau, de « son chancre » algérien, elle est devenu, en un temps record, l’une puissances mondiales : politique, industrielle, économique et culturelle. Le premier novembre n’a-t-il pas servi les intérêts colonialistes ?

Avant de se désengager de l’Algérie, la France avait opportunément imposé, à qui elle avait voulu, c’est-à-dire à ceux qui revendiquent la légitimité révolutionnaire, une pseudo indépendance. Mais au préalable, elle avait pris soin d’éliminer tout nationaliste susceptibles de nuire à ses intérêts futurs ou de constituer un obstacle à l’ascension au pouvoir de ses collaborateurs infiltrés dans les rangs des nationalistes. Les forces coloniales avaient éreinté les maquis internes afin de permettre à H.B et son groupe de prendre le pouvoir à Alger sans coup férir.

Les anciens moudjahidins ne sont ils pas devenus les harkis d’un régime plus injuste que le colonialisme ?ou tout au moins, Ils se sont avérés d’infatigables prébendiers.

Trente huit ans après l’indépendance, le peuple Algérie est livré à un régime : alimentaire, sanitaire, culturel et de violence que le colonialisme n’avais pas osé lui imposer. La presse algérien commence enfin à parler de famine, de maladies à transmission hydrique, de la prostitution juvénile filles et garçons généralisée,. Où est le nif d’antan ?

Non pas seulement que la légitimité révolution est un mythe sanglant mais s’en prévaloir aujourd’hui pour nier la légitimité populaire est indécent.

Références bibliographiques :

1 Brazzaville (aux sources de la décolonisation) Plon

2 Paul Marcus « Bourgès-Maunoury un républicain indivisible » Atlatica

3 Ben Youcef Ben Khedda « Aux Origines du premier novembre 1954 » Éd. Dahlab.

4 P.Montagnon « L’Histoire de la Guerre d’Algérie » Pygmalion.

5 Philippe Bernert « Roger Wybot et la bataile pour la DST presse de la cité.

6 A.Francos et J.P.Séréni « Un Algérien Nommé Boumédienne Stoc.

7 A.T MADANI « Hiat kefah » Cned.

8 F.Dib « Gamal Abd el Nacer et La Révolution Algérienne » La maison de l ‘avenir Arabe. (version arabe)

9 E. Bergot « Le dossier Rouge » (services secrets contre le FLN.) Grasset