SAID SADI A LIBERTE ET ESSAHAFA : Pourquoi je dis OUI au référendum

SAID SADI A LIBERTE ET ESSAHAFA

La position du RCD à l’égard de la démarche du Président a surpris plus d’un.

Son leader en explique ici les fondements.

Référendum : « Pourquoi je dis oui »

Liberté : Vous soutenez la démarche de Bouteflika et vous faites campagne pour le référen-dum. Quelles garanties avez-vous qu’il tiendra ses engagements ?

Saïd Sadi : Le pays est bien abîmé : l’Algérie est dans une situa-tion trop critique, trop incertaine pour faire de la politique politicienne ou ajouter à la confusion. Une loi garantit la récupération des armes sans marchandage de l’Etat. Il faut être dangereusement irresponsable pour s’y opposer. Ceux qui ont un parcours douteux dans l’opposition, les gens qui s’y sont reconvertis après les années 90, ou plus tard, sont peut-être obligés de faire de la surenchère pour garder un semblant de crédibilité et surfer sur la tempête algérienne. Pas nous. Notre par-cours, notre engagement, nos sacri-fices parlent pour nous. Nous dirons oui lorsque nous estimerons devoir dire oui et non quand il le faudra. Reste maintenant la manière de garantir les engagements. En politique, rien n’est définitif. Si revire-ments il y a à l’avenir, nous en tien-drons compte dans notre évaluation. Mais évitons de faire du doute un mode de gestion de la relation publique. Le procès d’intention n’est peut-être pas, actuellement, la chose la plus indiquée. Lorsque quelqu’un exprime ce qui se trouve être une attente dans le pays et qui est, en plus, en convergence avec votre position, ce n’est ni sain ni adroit de le soupçonner de vouloir faire, demain, le contraire de ce qu’il annonce ; sinon on n’en sortira plus.

Ce n’est donc pas un chèque en blanc que vous faites au Président Bouteflika ?

Le chèque en blanc n’existe pas en politique. Nous disons que sur un certain nombre de dossiers, nous constatons, incontestablement, un éclairage nouveau et même un vrai courage politique. Mais par ailleurs, sur le code de la famille, la question identitaire, le traitement des médias publics ou l’analyse de l’arrêt du processus électoral, vous l’avez constaté, nos positions ne sont pas convergentes.

Est-ce que d’autres s’y reconnaissent?

Pour l’instant oui et je m’en félicite. Je suis un homme politique, pas un chanteur qui défend des droits d’auteur ou l’antériorité sur telle ou telle idée. Qu’un projet politique s ‘élargisse, gagne en audience, est le but de toute démarche politique. Si le discours des démocrates qui a été isolé, réprimé jusqu’à présent trouve un nouvel écho dans les institutions, il faut s’en réjouir. Encore une fois, je dis que nous n’avons pas choisi d’être dans l’opposition. La nature du régime, l’absence de Libertés et de démocratie ont fait de nous des opposants. L’opposition commence un jour, elle peut s’arrêter ou reprendre à tout instant selon les principes que l’on défend.

Depuis toujours, le RCD a reproché aux précédents Présidents de manquer d’un projet de société. Considérez-vous que Bouteflika en a un ?

Je ne crois pas que l’on soit en présence d’un projet de société globalisé et bien ficelé. Pourtant, des éléments successifs sont en train de se dévoiler et peuvent être constitu-tifs d’un projet de société. Un projet de société est une formule générale qui s’articule autour d’un certain nombre de principes et d’orienta-tions lourdes et qui doit se traduire ultérieurement dans un programme de gouvernement. Nous n’en sommes pas là. Mais s’agissant du système éducatif, de la corruption, du positionnement du pays sur la scène internationale avec une ouverture adulte sur les voisins et les partenaires, de la relation de l’Etat au citoyen, il existe une amorce d’un projet de société. C’est vrai que l’on sent aussi que la démarche n’est pas facile puisque cela renvoie nécessairement à des rapports de forces qui ne sont pas stabilisés. Du fait des lourdeurs culturelles propres au per-sonnel politique du mouvement national et des pressions claniques, il ne faut pas attendre que tout se clarifie immédiatement. Mais depuis la mort de Mohamed Boudiaf, nous assistons à une possibilité de relance du projet moderniste et républicain à travers un vrai débat politique. Ce référendum peut garantir la paix et la Liberté, après le 16 septembre, c’est un autre débat.

N’allez-vous pas être en majorité parmi des partis islamistes et conservateurs ?

D’abord, nous ne sommes pas encore entrés au gouvernement. Je voudrais être très clair sur ce sujet. Notre démarche consiste à dire oui à une échéance référendaire qui récupère les armes et préserve l’Etat. Sans verser dans la polémique, je dis, encore une fois, que c’est l’inverse de ce qui s’est passé à Rome, avec le contrat de Sant’Egidio. Et ça, nous disons oui, totalement oui. Je ne peux pas être plus clair que ça. Ce qui doit suivre, c’est une autre démarche, c’est un autre débat. Je vous assure, qu’en ce moment pré-cis, aucune position n’a été arrêtée au parti sur notre participation ou non au gouvernement. Notre problè-me, aujourd’hui, est la paix. C’est le démocrate qui a besoin de paix, de transparence et sécurité. Vous avez évoqué les clans.

Pensez-vous qu’ils sont en voie de disparition ou est-ce la personnali-té du Président qui les étouffe ? Ou alors, sont-ils d’accord sur la démarche actuelle ?

D’une certaine façon, le Président essaie de présider et ce n’est pas plus mal. Demain, si c’est bon c’est lui, si c’est mauvais c’est lui. D’anciens Présidents ont cru me faire plaisir en me déclarant que ce n’était pas leur faute s’ils se trou-vaient au pouvoir. Moi j’étais plutôt inquiet. Bouteflika, lui, assume sa démarche, c’est déjà une évolution. La responsabilité d’Etat est bien identifiée et nous savons à qui il fau-dra s’adresser pour établir l’évalua-tion du mandat. C’est une manière d’étouffer l’exercice du pouvoir parallèle ou clanique comme on dit chez nous.

Vous pensez, en conséquence, que la révision constitutionnelle est nécessaire ?

Oui, il faudrait cette révision mais seuls les 2/3 de l’Assemblée ou le Président de la République peu-vent la décider.

Serez-vous, dans ce cas, pour le renforcement des pouvoirs du Président pour un régime prési-dentialiste, à l’américaine ?

Nous sommes déjà dans un régime présidentiel, les pouvoirs du chef de l’Etat sont exorbitants. Le problème est qu’il n’y a pas toujours eu le courage politique chez les dirigeants pour les appliquer lorsque des fac-tions politiques les menaçaient. La révision de la Constitution doit por-ter sur un certain nombre d’institutions qui freinent l’efficacité du travail parlementaire.

Cette révision est une priorité selon vous ?

Oui, ne serait-ce que pour la question du Conseil de la Nation avec tout le respect que je dois à M. Boumaza. Nous avons, aujourd’hui, besoin d’un pouvoir législatif qui travaille vite et bien. Vous allez bien sûr me dire qu’il faut aller à la dissolution de l’Assemblée.

Oui, justement …

Cela aussi dépend du Président de la République.

Les assemblées communales sont également en cause pour beaucoup et les citoyens en sont généralement mécontents. Faut-il aussi les dissoudre ?

Voyons d’abord comment évoluera la situation sécuritaire après le 16 septembre. C’est cela l’urgence. Mais, effectivement, nous ne pou-vons pas continuer à fonctionner avec des institutions aussi peu per-formantes et aussi peu crédibles. Nous payons, aujourd’hui, le prix du bricolage politique de notre régime. Lorsque vous créez un parti en deux mois, sous serre, un peu comme on fait de la tomate, pour lui donner le pouvoir, vous avez de fortes chances de ne pas trouver la conviction qui anime normalement des militants, appelés en plus, à être des élus du peuple, ainsi que la com-pétence politique, la solidarité et la discipline au moment des contraintes de gestion et des tentations qu’offre le pouvoir. Cela débouche alors sur le mécontentement des citoyens, une instabilité, des déchirements permanents.. La fraude et le détournement aggravent la crise de confiance, empêchent la stabilité et l’efficacité. Il faut arriver le plus rapidement pos-sible à la dissolution de ces Assemblées, mais stabilisons d’abord la situation sécuritaire. Il faut dissoudre pour créer de véritables conditions de la libre expres-sion citoyenne. C’est la fin d’une époque et il est essentiel que chacun le comprenne.

Bouteflika a déclaré que l’isla-misme politique n’a plus droit de cité en Algérie, mais des partis islamistes l’accompagnent et ils seront, probablement, dans le futur gouvernement ?

Ça c’est son problème à lui ! Il a pris des engagements publics, pour gérer cette question. En ce qui me concerne, je considère que l’essen-tiel est que, désormais, chacun s’ins-pire des textes fondamentaux du pays et les respecte. Le problème, jusqu’à présent, était que les partis, profitant du laxisme des responsables, faisaient le contraire de ce que prévoit la Constitution. Si l’on devait s’en tenir aux textes au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas comment ferait un islamiste pour exister politiquement. La nouveauté, c’est qu’en plus de ces textes, un chef de l’Etat le dit et l’assume formellement :  »L’islamisme n’a plus droit de cité ».

Mais cette mouvance tente de se recycler à travers une associa-tion de bienfaisance ?

Attendez. Si vous me dites quelles sont les intentions de ceux qui veulent se convertir dans le caritatif, je vous dirais qu’ils ont compris qu’ils ont perdu la manche politiquement ; qu’ils disent que « le FIS, c’est fini », signifie que le sigle avec lequel ils ont mobilisé l’opinion publique n’est plus opératoire, ils savent que leur sigle est disqualifié, grâce à la résistance populaire.

La lutte contre la corruption est une revendication populaire et l’un des thèmes centraux du discours de Bouteflika. Pensez-vous qu’il en arrivera à bout ?

Je ne mets en doute ni sa sincérité, ni sa détermination . Cela dit, je vais peut-être choquer les Algériens, mais tant pis. La corruption est un fléau social. Le délitement de l’Etat, l’affaissement moral sont tels que la corruption est devenue un fait de société. Je ne crois pas que la mobilisation exclusive de moyens répressifs réglera le problème. Je n’ignore pas que les citoyens attendent des noms, demandent des têtes, mais la question est très compliquée. Dans les grands détournements, il y a eu un grand savoir-faire ; il sera extrêmement difficile de remonter les filières de la corruption passive ou active. Par ailleurs, méfions-nous des noms que l’on jette en pâture. Nous devons éviter de tomber dans l’er-reur et la tentation des règlements de comptes. Enfin, les sommes détournées sont tellement colossales que nous sommes obligés de nous comporter comme des sauveteurs quand un bateau coule : nous devons, d’abord, surnager pour survivre : concrètement, cela veut dire que des formes devront être trouvées pour rapatrier ces fonds et les injecter dans les circuits de l’économie de production. En fait, le plus important est de trouver rapidement des mécanismes réglementaires pour sécuriser le douanier, le policier et le magistrat afin, qu’à l’avenir, il y ait un vrai travail de prévention et une modernisation de l’outil de contrôle. Mais, lorsque l’on voit comment la justice s’est comportée dans notre pays, je serais extrêmement sceptique devant sa capacité et sa volonté de résister elle-même aux sollicitations, c’est-à-dire à la corruption.

Les déboires des cadres incarcérés seraient dus à leurs sympa-thie pour le RCD

De manière générale, je crois que le discours du RCD rencontre un grand écho chez les cadres. Nous savons, aujourd’hui, que la chasse aux cadres n’était pas seulement une opération politicienne destinée à donner l’impression qu’on s’attaquait à la corruption ; c’est plus grave que cela. J’ai des informations précises que des responsables politiques ont pris la décision de lister un certain nombre de personnes et de les faire disparaître par l’emprison-nement et par le licenciement parce qu’ils considéraient que ces cadres, même s’ils ne sont pas des responsables politiques, ont un profil et une autorité qui gênaient la façon dont on voulait soumettre l’Etat. C’est donc une véritable entreprise de dévitalisation du pays que l’on a menée. On a réduit le RCD par la fraude électorale et on a tout fait pour que son dis-cours résonne le moins possible ailleurs. Tous ceux qui devaient en être des relais ou des sympathisants, devaient donc être contenus. Il reste maintenant l’aspect humain. Tous les cadres qui ont passé deux ou trois ans en prison, après avoir loyalement servi leur pays, ont droit à une répa-ration morale et matérielle. Je ne dis pas qu’il faut régler les comptes, mais il ne faut pas que nous ayons la mémoire courte. Je sais que des ministres ont été instruits pour ne pas nommer des cadres de haut niveau au motif qu’ils sont proches du RCD. Au-delà des coups que l’on a donnés au RCD, on a surtout attenté à l’Algérie. Dernier exemple, aujourd’hui, le GGA devait préparer le meeting du Président de la République à la salle Harcha, située sur le territoire de la commune de Sidi-M’hamed, dont la présidente d’APC est RCD. Il lui revenait donc d’accueillir le Président. Le gouver-norat du Grand-Alger avait décidé que cette présidente ne devait même pas être à l’accueil. L’affaire a été récupérée de justesse et après protes-tations. Voilà comment la servilité, le sectarisme et l’incompétence ont miné l’Etat. Voilà sur quelles contre-valeurs, des responsables ont construit leur carrière.

Bouteflika s’est prononcé contre la reconnaissance de tamazight…

Je crois que ceux qui ont préparé ce dossier au chef de l’Etat, l’ont amené à commettre sa première et sérieuse erreur. Ce n’est pas un dossier que l’on traite à la légère. Je peux comprendre la réserve, de la part d’un ancien militant du mouvement national vis-à-vis d’un dossier qui n’a pas fait partie de sa mémoire combattante et qui a été disqualifié, sinon diabolisé. Mais le mérite des grands hommes politiques, est, justement, de capter les attentes populaires et d’évoluer avec les expressions et les exigences de leur société. Je crois que le Président Bouteflika a du mérite sur certains dossiers et il a une grande capacité de s’adapter au monde actuel. C’est tout à son honneur. Mais je le dis publiquement et je lui dirai parce que entre amis, la franchise qui exige de dire les choses clairement : c’est un dossier maladroitement, voire dangereusement engagé. La question amazighe n’est pas un problème de minorité, c’est une exigence démocratique. Et même si nous devons suivre cette logique, l’Etat de droit reconnaît les droits des minorisations. Logique qui n’est pas, bien entendu, la mienne. Il a été courageux en reconnais-sant la contribution de la communauté juive dans notre pays, il serait malvenu d’évaluer le vécu linguistique, dans le même temps, d’une grande partie de l’Algérie. Attention aux raccourcis, attention aux slogans qui ont réduit, dans les années 70, tamazight à  »une création du colonialisme ou à treize (13) dialectes ». Il faut beaucoup de sérénité et de responsabilité pour traiter des dossiers aussi sensibles. J’espère pouvoir per-suader le Président de prendre en charge une des aspirations majeures de l’Algérie démocratique. Je dis, très fraternellement au Président Bouteflika, que, lorsqu’un million d’enfants font grève de l’école pendant une année, avec le soutien de leur famille, ce n’est pas un ballon de baudruche. Et ceux qui l’ont conseillé sur ce dossier, l’ont amené à se fourvoyer. Il était allé, pourtant, en Kabylie, pour avoir une adhésion quasi totale.Mais n’allez-vous pas encore servir de caution démocratique au processus ?Quel processus ? Le référendum ? Je dis oui. Il faut absolument arriver à en sortir, que la paix revienne, que l’Etat républicain soit réaffirmé. Il ne faut pas avoir de complexe de mineur. A chaque fois qu’une démarche se fait dans le sens de nos objectifs, une partie de l’opinion a peur que nous soyons « bouffés ». Si nous devions l’être, cela fait longtemps que cela se serait produit. A priori, nous sommes durs à avaler. Devons-nous rester dans la situation actuelle ? Les assassinats et les faux barrages, ce sont les démocrates et la société civile qui en souffrent le plus. C’est maintenant que les conservateurs sont forts, qu’ils ont confisqué le pays et le pouvoir. Beaucoup redoutent d’ailleurs que cette situation évolue. Il faut se désa-liéner mentalement, nous pouvons peser positivement sur le destin du pays. Nous ne sommes pas définiti-vement condamnés à dire non, même lorsqu’une démarche recoupe la nôtre. Ceux qui ont défendu l’application de la chari’a, entrent dans une démarche où on leur dit clairement que l’école va être ouverte, que la justice va être réformée et c’est bien. Pour l’instant, consacrons-nous au référendum. Il faut arriver : premièrement à résorber le terroris-me, deuxièmement, à sanctionner ceux que l’on aura retrouvés et iden-tifiés comme criminels. Nous savons qu’un certain nombre d’entre eux passeront à travers les mailles du filet, nous ne sommes pas dupes. Troisièmement, pas de reconstitution de la mouvance qui a été à l’origine de cette situation.

Qui peut dire non à cela ? Le reste est, nécessairement, affaire de consensus républicain. Nul ne peut se persuader d’avoir, seul, la solution dans une telle crise.

GHANIA KHELIFI / OUANOUGHI LARBI

 

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