Allocution du président Bouteflika prononcée à l’ouverture du colloque international sur le terrorisme

Allocution du président Bouteflika prononcée à l’ouverture du colloque international sur le terrorisme

APS, 26 octobre 2002

Alger – Le président de la république, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé, samedi, au Palais des Nations à Club des Pins (Alger), une allocution à l’ouverture du colloque international sur le terrorisme. En voici le texte intégral : « Monsieur le président du conseil de la nation, monsieur le président de l’assemblée populaire nationale,
Monsieur le chef du gouvernement, excellences, mesdames et messieurs,

Je voudrais, tout d’abord, souhaiter une chaleureuse bienvenue en Algérie à tous les hommes de science, les spécialistes des médias et les représentants d’organisations internationales intergouvernementales et non gouvernementales qui ont convergé du monde entier vers notre capitale pour prendre part à ce colloque international sur le terrorisme.

Je salue, également, les participants algériens qui représentent, dans leur diversité, les secteurs de la recherche, de la pensée, de la communication, de la lutte opérationnelle et de l’action humanitaire et qui, tous, apportent leur contribution à notre lutte contre le terrorisme et à l’élimination de tous les facteurs qui en constituent le terreau.

Je suis certain que vos travaux bénéficieront de votre apport en tant qu’intellectuels, chercheurs, ou hommes du terrain. Les thèmes que vous aurez à débattre renvoient à des enjeux cruciaux dont l’analyse n’a été jusqu’ici menée que de manière partielle, en tout cas dans des aires limitées ou selon des perspectives marquées par des présupposés idéologiques ou géopolitiques que l’accélération subite et dramatique de l’histoire depuis le 11 septembre 2001 à fait voler en éclats.

Votre rencontre sera, dès lors, l’occasion de contribuer à combler le déficit manifeste de compréhension partagée des multiples facettes du phénomène du terrorisme. De ce point de vue, vos délibérations permettront de dépasser bien des incompréhensions et elles apporteront ainsi un éclairage fort utile à l’affinement des stratégies nationales et internationales destinées à éliminer le terrorisme et à en prévenir durablement la récurrence. Je sais que vous aurez aussi à cœur d’examiner avec le plus grand soin la problématique si délicate de la cicatrisation des blessures et de la prise en charge des séquelles de toutes natures qui en constituent le tragique bilan.

Mesdames, messieurs,

Face au terrorisme, maintenant unanimement condamné et replacé dans sa dimension transnationale, la communauté internationale a opéré un ressaisissement salutaire et elle s’est engagée dans une mobilisation sans précédent.

L’Algérie se félicite de cette prise de conscience universelle, d’autant qu’elle a mesuré tout au long d’une décennie d’épreuves qu’elle a eu affronter seule et sans même la compréhension ou la compassion du monde extérieur, à quel point les ramifications externes du terrorisme se sont développées à la faveur du laxisme des uns et de calculs dont l’erreur n’a pas tardé à être dramatiquement ressentie par tous.

Il reste que la mobilisation mondiale, qui a suivi le 11 septembre 2001, a été surtout l’œuvre des gouvernements. Elle a été justifiée par l’urgence d’organiser une riposte immédiate à un danger imminent et redoutable. Elle n’a pas encore intégré, loin s’en faut, les fruits d’une réflexion sereine sur l’état du monde, sur les causes sous-jacentes du terrorisme, sur l’érosion des valeurs civilisationnelles sans lesquelles il ne saurait y avoir de stabilité durable à l’intérieur des nations ni entre elles.

C’est dire combien de défis complexes restent à relever, qui interpellent les intellectuels tout autant que les hommes politiques, et qui, par leur difficulté et les menaces qu’ils recèlent, invitent la communauté des nations et la communauté des hommes à cultiver le dialogue, la tolérance, la solidarité et la coopération.

La diversité des cultures et des civilisations, l’épanouissement de chacune d’elles et leur enrichissement mutuel constituent le principal ressort du progrès de l’humanité. Tout tentation d’ostracisme culturel ou civilisationnel, tout comme les extrémismes et les idéologies xénophobes relèvent d’une vision réductrice qu’il nous faudra combattre de toutes nos forces.

Le but premier de toutes les religions est l’humanisation des hommes. Nous ne pouvons donc que déplorer les amalgames auxquels il est fait recours ici ou là pour tenter d’établir un lien quelconque, qu’il soit direct ou indirect, entre l’Islam et le terrorisme, entre l’Islam et la violence, entre l’Islam et l’intolérance.

Mesdames, messieurs,

La faim, l’exclusion sociale, la dégradation de l’environnement, les conflits et la montée de la criminalité sont des éléments dont se nourrit le terrorisme et qui contribuent à son développement et à son expansion à travers le monde.

De ce fait, le développement durable, la justice, le respect de la dignité et de tous les droits de l’homme sont des conditions incontournables de la stabilité et de la sécurité de la société internationale.

Il est dès lors nécessaire de souligner, une nouvelle fois, que la participation plus équitable du monde en développement à l’échange international, une diffusion optimales des courants d’investissements productifs, un accroissement significatif de l’aide publique au développement, ainsi qu’une meilleure prévisibilité et une gestion plus démocratique de l’économie mondiale constituent des exigences impératives si l’on veut combattre le terrorisme dans ses racines.

Il n’y a pas de protection fiable contre le terrorisme transnational en dehors de celle qui conçoit la sécurité comme une préoccupation globale s’appuyant sur la conjugaison des efforts de tous, ce qui bat en brèche bien des conceptions et remet en cause bien des certitudes.

La réflexion sur la lutte contre ce fléau international conduit donc à s’interroger sur l’adaptation des relations internationales et de leurs pratiques, notamment en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité. Le rôle des nations-unies en tant que dépositaire de la légalité internationale doit être réaffirmé et respecté par tous. C’est là sans doute la pierre angulaire d’un système de sécurité collective adapté aux aspirations à la paix et à la justice de l’ensemble de la communauté internationale.

Mesdames, messieurs,

Telle est la vision d’ensemble qui inspire la démarche de l’Algérie qui s’associe pleinement à la mobilisation internationale contre le terrorisme, mobilisation à laquelle elle a toujours appelé depuis qu’elle s’est trouvée confrontée à ce phénomène.

L’Algérie est partie prenante à tous les efforts et aux initiatives dans ce domaine au sein des nations-unies ainsi que dans toutes les aires auxquelles nous appartenons. Nous estimons qu’un effort supplémentaire s’impose, d’une part, pour la conclusion d’une convention internationale globale pour la prévention et la lutte contre le terrorisme, et d’autre part, pour matérialiser les engagements en matière d’extradition et d’entraide judiciaire ainsi que de fourniture des équipements adaptés à la lutte antiterroriste.

De même, nous estimons que la proposition de convocation d’une conférence internationale pour la définition du terrorisme mérite d’être prise en considération, en effet pour que nos efforts se conjuguent dans une même lutte, il est absolument indispensable que nous puissions définir notre ennemi commun, et les fâcheux amalgames que nous avons malheureusement constatés dans certaines circonstances, rendent encore plus indispensable cette caractérisation. En confortant le droit des peuples à exercer leurs droits légitimes et à résister à toute domination étrangère, cette définition renforcera notre unité dans notre combat commun contre le terrorisme.

Mesdames, messieurs,

L’Algérie, qui a fait face avec courage et détermination au terrorisme sous ses formes les plus abjectes, est disposée à partager avec vous les enseignements tirés de sa douloureuse expérience. Après plus de 12 années de violence, la politique de concorde nationale, que nous avons initiée et qui a été massivement approuvée par le peuple algérien, a pour ambition de briser le cycle de la terreur et de créer les conditions les meilleures d’un retour à la paix.

Pour lutter efficacement contre un phénomène aussi dévastateur, il faut le cerner dans toute sa complexité, ses caractéristiques, ses ramifications, ses objectifs, ses alliances, ses mots d’ordre, et, surtout, dans les conditions de son développement. Il y a là un vaste champ d’investigation qui associe de nombreuses disciplines scientifiques.

La société algérienne, sans rien perdre de sa vigilance, revient progressivement à une vie normale. Elle renoue avec ses repères et avec ses valeurs authentiques de fraternité, de solidarité et de convivialité. Elle se reconstruit dans la quiétude et la sérénité. Elle reprend avec assurance la construction d’un avenir débarrassé de la violence.

Il s’agit désormais pour elle de panser les blessures et d’assurer, à toute une génération meurtrie et divisée, l’accès au progrès et à la vie démocratique, dans la tolérance, la liberté, la paix et l’ouverture sur l’universel.

Telle est l’essence de la concorde nationale qui s’enracine chaque jour davantage dans le vécu du peuple algérien. Il s’agit d’un processus qui repose sur une démarche globale et dont la portée est hautement humaine et civilisationnelle.

Cette démarche sera confortée par l’accomplissement des réformes que nous avons engagées dans les secteurs les plus vitaux pour une relance durable de l’activité économique et la consolidation de la cohésion sociale.

Dans un monde en pleine mutation, marqué à la fois par d’immenses progrès et par les menaces les plus graves, la communauté internationale se doit de prendre conscience de ses interdépendances et de les gérer en veillant à réduire les causes de fragilisation et à promouvoir les facteurs de stabilité et de sécurité de notre monde.

Il s’agit, à travers une juste appréciation des intérêts des peuples, de prévenir leurs antagonismes et de favoriser leur rapprochement.

Je vous souhaite plein succès dans vos travaux et un agréable séjour parmi nous.

Je vous remercie de votre attention ».

Aps 26/10/02 13:20:51