Interview du président Bouteflika a l’agence Reuter

Interview du président Bouteflika a l’agence Reuter

Alger, 01/09/99 (aps)- Le président de la république, M. Abdelaziz Bouteflika a accorde une interview a l’agence de presse « reuter » dont voici le texte intégral.

Question : quel est le nombre d’islamistes susceptibles de bénéficier d’une amnistie après le référendum et quels sont les premiers résultats concrets réalisés sur le terrain apres l’engagement du chef de l’ais a soutenir votre démarche politique par une collaboration avec les services de sécurité dans la lutte contre le gia ?

Reponse : le nombre de personnes concernees est en cours d’etablissement par les commissions installees dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi sur la concorde civile. Je vous rappelle que celle-ci ne porte pas sur l’amnistie comme vous dites, mais qu’elle pose des mecanismes juridiques qui expriment une tres grande mansuetude de l’etat qui ne signifie cependant ni compromis, ni compromission.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’abord de la volonté de l’état algérien de pardonner. Il pardonne a tous ceux qui n’ont pas commis l’irréparable d’attenter a la vie humaine, ni a l’integrite physique des personnes, en ne se rendant auteur ni d’infirmités, ni de viols, ni n’ont fait usage d’explosifs a l’encontre des populations, ni commis de crimes de sang.

Les bénéficiaires de ce pardon immédiat et total sont donc tous ceux qui ont été impliques dans les réseaux de soutien matériel au terrorisme et aussi ceux qui sont engages dans l’action terroriste de destruction des biens et des équipements.

L’etat pardonne aux premiers et aux seconds, car il est convaincu que les richesses materielles sont remplacables, mais pas la vie humaine.

Mais, c’est surtout par la mise en oeuvre novatrice du concept de probation, que se caracterise la demarche juridique adoptee. En effet, la mise a l’epreuve, qui est un des procedes d’individualisation modernes de la sanction penale, est traditionnellement prononcee a l’occasion du jugement des delinquants, et constitue donc une modalite de la peine elle-meme.

Dans notre vision des choses, l’etat doit donner leur chance a ceux qui veulent la saisir, pour faire la preuve de leur amendement, avant meme tout jugement et meme en dehors de tout contexte de jugement, pendant une duree de trois ans minimum a dix ans maximum. C’est ainsi que cette mise a l’epreuve peut se transformer en substitut de la peine, dispensant le beneficiaire qui l’aurait reussite, de tout jugement.

Les personnes concernees sont celles qui n’auront pas commis de viols, de meurtres, ni d’usage d’explosifs contre les populations, et pour lesquelles, donc, le pardon de l’etat aura ete mediatement acquis. Mais la probation erigee ainsi en modalite pre-requise du pardon, est aussi un capital objectif et positif, avec lequel se presenteront certaines categories de personnes, devant leurs juges et qui leur ouvrira le droit a un regime preferentiel d’attenuation des peines, et constituera pour eux un atout, pour beneficier des plus larges circonstances attenuantes. Il s’agit des individus qui n’auront pas commis de massacres de population.

Je voudrais ici, ouvrir une parenthese. S’agissant des meurtriers, la loi fait une difference de traitements a plusieurs egards entre eux. Elle distingue celui qui a commis un meurtre de celui qui en a commis plusieurs, collectivement ou de maniere successive.

Mais ce n’est la nullement en consideration de je ne sais quelle macabre arithmetique. Car nous sommes de ceux qui savent qu’une vie humaine n’est pas egale a la moitie de deux vies, et que cinq vies humaines ne sont pas egales a la moitie de dix vies.

J’appartiens a une foi qui m’interpelle gravement par l’indiscutable saintete du decret coranique pour moi qui postule : « tuer une ame non coupable du meurtre d’une autre ame, ou de depravation sur terre, c’est comme d’avoir tue l’humanite entiere. Et que faire vivre une ame, c’est comme de faire vivre l’humanite entiere. » (fin de citation).

La moindre goutte de sang vaut un ocean, et la douleur qu’elle provoque est du poids des montagnes. Cela etant, nous considerons que celui qui n’est pas passe a l’acte pour commettre un deuxieme meurtre, doit beneficier du prejuge, qu’il est deja en phase de repentir qu’il faut encourager, pour l’empecher de perseverer dans l’action criminelle, en provoquant en lui l’espoir d’un traitement penal plus ouvert, plus comprehensif.

Ainsi, aucun crime de sang ne saurait echapper au jugement des juridictions. Certains le sont immediatement, car non eligibles a la probation et ce sont essentiellement les meurtres multiples.

D’autres le sont mediatement, apres probation. Ce sont les meurtres simples. Il n’y a la qu’une application particuliere de la differenciation, que toutes les legislations penales modernes font entre meurtres simples et meurtres aggraves.

La serenite de la demarche de retablissement de la concorde civile trouve une autre expression dans l’echelle des peines retenues. En effet, quelle que soit la gravite des crimes commis, leurs auteurs ne risquent jamais, ni la peine de mort, ni la perpetuite.

Ces deux peines ont ete ecartees. Ce qui, chacun en convient, est un souhait des plus grands criminologues de ce siecle, et un des objectifs des institutions humanitaires internationales. C’est meme parfois considere comme un des criteres de l’etat de droit. Quoi qu’il en soit, trois regimes d’attenuation des peines sont instaures par la loi.

L’admission au plus favorable d’entre eux, est reservee a ceux qui ont reussi leur probation, et qui n’encourent alors que des peines de deux ans a huit ans maximum, meme si la peine de mort etait normalement encourue.

Le regime intermediaire est reserve aux auteurs de meurtres simples, qui se seront spontanement presentes aux autorites, dans un delai de trois mois, a compter de la promulgation de la loi. Ils encourent alors une peine de trois ans a douze ans maximum, meme si la peine normalement encourue est la peine de mort.

Le troisieme regime est, quant a lui, reserve aux auteurs de meurtres aggraves, qui se seront presentes spontanement aux autorites dans les six mois, a compter de la promulgation de la loi. Ils encourent une peine de 10 a 20 ans maximum, meme si la peine de mort est normalement encourue.

Ceci dit, la solidarite vis-a-vis des victimes du terrorisme doit etre sociale. Elle doit etre solennellement consacree par les lois de la republique.

C’est ainsi que les reparations que les juridictions peuvent accorder aux victimes, sont prises en charge par l’etat, pour eviter un face-a-face des victimes du terrorisme avec les auteurs d’actions terroristes. Face-a-face qui, outre qu’il sera l’expression d’une ingratitude de la societe, risquera, s’il devait avoir lieu, de degenerer en represailles et reduire alors a neant tous les efforts de paix et de reconciliation. Vous avez sans doute compris le drame immense qui est le mien, voire le desarroi qu’inspire, a juste titre, la tragedie nationale, qui fait que je me heurte devant vous a mes propres limites, en avouant humblement que la complexite des choses, des passions, des drames vecus, des souffrances indiscibles, m’interdit, en tout cas aujourd’hui, jusqu’a l’idee d’evoquer une amnistie generale.

Quant a la lutte contre les elements extremistes qui s’obstinent dans leurs agissements criminels, elle se poursuivra par tous les moyens et avec la rigueur de la loi.

Question : êtes-vous confiant quant a une participation massive au referendum sur la concorde civile et quelle sera la question sur laquelle les algériens auront a s’exprimer le 16 septembre ?

Reponse : le peuple algérien est culturellement étranger a la violence, a l’intolerance et a l’extremisme.c’est un peuple pacifique et fortement imbu de ses hautes valeurs civilisationnelles.

Je suis confiant quant a sa volonte resolue de surmonter l’epreuve qui le frappe en donnant un ancrage collectif a la loi sur la concorde civile.

Quant a la question qui sera posee le 16 septembre, elle s’intitule comme suit : « êtes-vous pour la demarche globale du president de la republique tendant a realiser la paix et la concorde civile?

Quant a ma confiance en le peuple algerien, elle ne saurait dans tous les cas de figure etre en deca de l’honneur et de la confiance qu’il a placee en moi en me confiant la magistrature supreme. Je ne vis que par le peuple et pour le peuple. Je ne menagerai jamais rien, ni ma sante, ni mon temps, ni ma vie pour meriter chaque jour et davantage le lendemain, la confiance lourde et exaltante que le peuple a placee en moi. Avec l’aide de dieu, je le mènerai a bon port.

Question : la corruption a atteint une proportion inquietante au niveau des institutions de l’etat. A travers quelles mesures et par quels mecanismes pensez-vous, monsieur le president, pouvoir faire face a ce fleau ?

Reponse : la corruption gangrene, a des degres divers, toutes les societes modernes et particulierement celles qui, comme la notre, font leurs premiers pas vers l’ouverture economique. Celle-ci est en effet a ses debuts. Elle intervient dans un contexte ou l’etat de droit et la democratie sont balbutiants. Or, l’economie de marche me parait precisement indissociable de l’etat de droit et de la democratie. C’est pourquoi l’un et l’autre occupent une place prioritaire dans mon programme.

Ceci dit, la corruption est un fleau dont l’etat doit absolument se premunir, il le fera par des mesures preventives en entreprenant de renover l’administration et la justice. Il le fera aussi a travers la promotion d’une culture de l’etat qui, seule, permettra de neutraliser les agissements des corrupteurs sans lesquels il ne saurait y avoir de corrompus.

Il reste d’ailleurs a cet egard a esperer que ceux qui, aujourd’hui, nous donnent des lecons, nous aident a neutraliser les uns et les autres qui trouvent aupres d’eux beaucoup de complaissance.

Question : la question des personnes disparues depuis le debut de la violence en Algérie continue de se poser avec acuite. Quelles mesures concretes avez-vous pris depuis votre election a la magistrature supreme pour repondre aux attentes angoissees des familles des disparus ?

Reponse : ce dossier angoissant releve du pouvoir judiciaire qui a toute lattitude pour intervenir chaque fois que des faits auront ete dument constates.

Dans les circonstances tourmentees qui ont ete celles que le pays a traversees, il est difficile de disposer de tous les elements d’information susceptibles de guider l’action de la justice. Ceci est tout a fait evident, sauf peut-etre pour ceux qui font de ce dossier un fonds de commerce politique. Car, malheureusement, il en existe, ici et ailleurs, qui le font en usant et en abusant de la douleur legitime des familles.

Dois-je vous rappeler, a cet egard, que je compte moi-meme un membre de ma famille parmi les disparus ?

Question : vous avez, monsieur le president, affiche depuis votre election une entiere disponibilite a la normalisation de vos relations avec le voisin marocain. Avez-vous retenu une echeance pour la reouverture des frontieres entre les deux pays et quels en sont les prealables ?

En d’autres termes, quels sont encore les points de discorde a traiter avec les autorites marocaines avant la concretisation de cette volonte politique de reconciliation ?

Reponse :la reouverture de la frontiere est un dossier qui revet un caractere bilateral. Je n’ai donc pas a arreter d’echeance. Celle-ci depend du traitement des dossiers en suspens qui existent entre les deux pays freres comme il en existe partout ailleurs. La volonte politique existe. Les contacts aussi. Il n’y a pas a proprement parler de discorde, mais peut-etre des approches et des perceptions differentes de tel ou tel aspect des relations bilaterales. Ce qui est d’ailleurs tout a fait normal. Mais, avec mon frere, le roi Mohamed VI, nous comptons bien aller de l’avant dans l’interet des deux pays et dans celui de la region.

J’ai la faiblesse de croire que nous ferons toujours, l’un avec l’autre, ce que nous nous disons publiquement et en aparte, dans la fraternite, l’amitie et la consideration, et qu’a aucun moment, nous ne soyons pris par la tentation de ceder aux calculs politiciens, ni aux ruses diplomatiques, pour cacher l’un a l’autre ce que nous pensons, ou ne pas faire, l’un vis-a-vis de l’autre, ce que nous devons faire.

Il est difficile d’etablir la confiance. Il est plus difficile encore de la cultiver et de la garder intacte. Entre frere, entre voisins, entre amis, on doit toujours dire ce que l’on pense et toujours faire ce que l’on dit, jamais le contraire.

Question : vous avez eu une rencontre imprevue avec le premier ministre isralien ehud barak a rabat lors des funerailles du roi hassan II. Peut-on considerer les propos contenus dans le court entretien que vous avez eu avec les hauts responsables israeliens comme un prelude a une normalisation future des relations avec israel

Reponse : la normalisation avec israel ne peut pas puiser aux sources d’un entretien fortuit de quelques minutes. c’est une question trop serieuse pour etre caricaturee de cette maniere. C’est une question qui se pose en termes de paix, de justice, de droit, d’avenir et de courage politique. Autant d’aspects qui ne se nourrissent, en aucune façon, vous en conviendrez, de reflexes hegemoniques ou expansionnistes, de la negation de droits du peuple palestinien a fonder un etat avec sa capitale El-qods ou des prejuges et parti-pris qui ont creuse tant de fosses entre les peuples de la region.

Pour autant donc qu’israel restitue les territoires indument occupes et reconnaisse aux autres les droits qu’il revendique pour lui, alors oui, israel devenant alors un germe de concorde regionale, peut trouver parmi les pays arabes, de l’atlantique au golfe, une place de choix.

Question : le president americain bill clinton a exprime recemment sa volonte de voir l’algerie directement impliquee dans les negociations pour le reglement de la crise au proche-orient au meme titre que d’autres pays arabes. Quels commentaires faites-vous a propos de cette declaration et quelle serait la nature de la contribution de la diplomatie algerienne dans le processus de paix ?

Reponse : l’Algérie a toujours oeuvre pour la paix, mais une paix fondee sur la justice, le droit et les principes universels etablis notamment par la charte de l’organisation des nations-unies. Il est tout a l’honneur du president Clinton,que j’ai eu plaisir a rencontrer recemment a Rabat, d’oeuvrer sans relache pour la paix au Moyen-Orient. Sur les bases que je viens d’indiquer a propos de la normalisation des relations avec israel, et auxquelles, en homme politique averti et de grande envergure qu’il est, le president Clinton, j’en suis persuade, n’est pas insensible, l’Algerie se ferait un devoir d’apporter sa contribution pour panser les blessures et ouvrir une nouvelle ere de concorde et d’edification entre les peuples de la region. Dans la clarte. Dans la rigueur. Dans le respect de l’integrite territoriale et du droit des peuples a disposer d’eux-memes.

Question : le premier ministre francais Lionel Jospin a declare recemment attendre « que les intentions donnees par le pouvoir algerien et le president Bouteflika se traduisent concretement de maniere a ce qu’il y ait reciprocite entre les demarches de rapprochement ». Quelles sont, selon vous, les mesures susceptibles de concretiser le rapprochement avec la france ?

Reponse : je ne sais pas ce a quoi le premier ministre francais lionel jospin fait allusion. Je connais par contre les preoccupations du gouvernement algerien. J’ai eu l’occasion, a diverses reprises, d’en faire etat de la maniere la plus claire possible. De toute evidence, une decrispation s’est operee entre nos deux pays. J’ai eu plaisir a rencontrer le president Chirac pour quelques instants a rabat. J’ai eu plaisir aussi a recevoir a Alger MM. Chevenement et Vedrine. Nous sommes engages sur la bonne voie et l’Algérie ne menagera aucun effort pour normaliser les relations algero-francaises.

Ceci dit, j’aimerai emprunter a M. Jospin son propos en souhaitant que des problemes tels que celui d’Air france ou des visas par exemple, trouvent une traduction concrete pour fluidifier en quelque sorte le rapprochement.

– non pas que je sois en train de soulever ici un prealable, mais le b.a. B.a des relations tout a fait normales entre deux pays voisins et egalement souverains. L’algerie a des consulats en France. Elle a le droit d’avoir des consulats francais en Algérie. L’algerie a des relations maritimes et aeriennes avec la France et le droit d’attendre une totale et equitable reciprocite. Ce droit ne se vend pas et ne se marchande pas. Car il est toujours respecte par les uns et les autres quand les relations sont tout a fait normales.

Il se trouve qu’avec la France, je suis de ceux qui ont la faiblesse de croire que les relations ne seront jamais banales a cause du poids specifique de l’histoire commune, des ponts humains indestructibles qui existent entre les deux pays, de l’irremplacable rayonnement de la culture et ses prolongements economiques, sociaux, commerciaux. Bref, au risque de vous surprendre, je n’imagine les relations entre l’Algérie et la France que privilegiees. Je ne les imagine que comme un modele exemplaire et a suivre par d’autres partenaires. Ceci ne depend pas que de l’Algérie naturellement, donc, franchement, la balle aujourd’hui est dans le camp parisien.

Question : les operateurs economiques etrangers se plaignent de lourdeurs bureaucratiques a plusieurs niveaux de l’appareil de l’etat dans la concretisation de projets d’investissement et attendent des garanties suffisantes pour investir en Algérie. Quelles sont, selon vous, les garanties et les mesures incitatives a prendre susceptibles d’attirer davantage de capitaux etrangers ?

Reponse :elles ressortent clairement de mon programme. L’algerie est determinee a aller vers l’economie de marche. Elle est tout aussi determinee a promouvoir des partenariats productifs avec toutes les entreprises etrangeres qui le souhaitent.

Pour ce faire, elle compte s’engager dans une vaste entreprises de renovation de l’administration afin, notamment, de lever tous les obstacles buraucratiques qui entravent le libre epanouissement de l’initiative privee.

Elle le fera avec d’autant plus de conviction qu’elle est consciente de l’importance de ses atouts economiques et de la necessite de les mettre en valeur dans la perspective d’adherer a l’omc et de s’engager dans le processus d’association euro mediterraneen.

Quant aux garanties, elles existent. Elles sont d’ordre national et international dans le cadre d’un code des investissements qui confere les memes droits et les memes devoirs aux investisseurs tant nationaux qu’etrangers.

Je me suis meme laisse dire que le code des investissements algerien etait l’un des plus seduisants, l’un des plus incitatifs. Je vous donne acte neanmoins des lourdeurs bureaucratiques. Elles ne sont pas toutefois insolubes. Nous commencons a les resoudre.

Question : la candidature de M. Youcef Yousfi au poste de secretaire general de l’OPEP est attendue avec insistance par les pays membres, d’autant que les specialistes des marches petroliers estiment qu’il a de fortes chances d’etre elu du fait du role preponderant joue par l’Algérie dans le retablissement de la cohesion au sein de cette organisation et le redressement des cours du petrole. Par consequent, comptez-vous, monsieur le president, soutenir cette candidature ou preferez-vous reconduire m. Yousfi dans le futur staff gouvernemental ?

Reponse : vous le saurez en temps opportun, si tant est que la question se pose dans les termes de votre formulation. Neanmoins, M. Yousfi a la place que lui conferent ses competences et ses qualites naturelles dans son propre pays. Il pourrait, en tant que patriote, tout en continuant a servir l’Algérie, se mettre au service des pays de l’OPEP, si tel est son bon plaisir, et si les pays de l’OPEP en avaient besoin pour diriger l’organisation. Ici comme la-bas, je sais qu’il servira et l’Algérie et l’OPEP avec zele, avec competence, avec sincerite, avec l’engagement que tout le monde lui reconnait.

Question: le programme de privatisation trace depuis 1995 connait un retard considerable dans sa mise en application et les investisseurs etrangers ont exprime leur inquietude quant a la poursuite de ce processus. Quel rythme comptez-vous impregner, monsieur le president, a ce programme durant votre mandat electoral ?

Reponse : il ne faut pas confondre vitesse et precipitation. Le processus n’est pas simple par cela même que la transition d’une economie dirigee vers une economique de marche s’inscrit dans la duree. Ceci dit, la privatisation se fera dans tous les secteurs eligibles a cette action apres des etudes rigoureuses. Ce qui ne veut absolument pas dire que les choses vont trainer. La privatisation est une option irreversible qui doit etre mise en oeuvre de facon rationnelle, dans les meilleures conditions de succes possibles. Nous nous y attellerons avec toute la determination et la celerite requises.

Ce qui ne veut tout de meme pas dire que la privatisation est une religion ou une fin en soi. La privatisation est un moyen. Il y aura des secteurs prives la ou ils s’imposent, sinon comme la solution la meilleure, a tout le moins la moins mauvaise. Il y aura un secteur public la ou il demeure concurrentiel, performant ou dicte par des raisons sociales ou d’utilite publique.

Question: vous avez declare votre intention de vouloir constituer un gouvernement d’union nationale ou toutes les sensibilites politiques seraient representees. Quels echos avez-vous recus jusqu’a present de la part de la classe politique pour cette participation, notamment ceux des partis de l’opposition ?

Reponse : les partis de la coalition soutiennent mon action, ils le font en sachant exactement dans quelle direction je la conduis. Nous sommes d’accord sur l’essentiel, c’est a dire le fond qui est de sortir l’Algérie de la crise. Le reste n’est que modalites pratiques d’application.

Qui plus est, je n’ai jamais parle de gouvernement d’union nationale. Je suis un candidat libre qui ne marginalise personne et n’a de demarche exclusive vis-a-vis d’aucune formation politique. J’ai defendu un programme pour lequel j’ai ete elu, et qui, par chance pour moi, a ete soutenu par les partis de la coalition de la meme maniere que je pourrai me contenter d’un gouvernement forme de membres venus des partis de la coalition, de la meme maniere, je peux egalement aller vers une vision non limitative.

Le programme est tout a fait clair dans mon esprit. Il ne vaut neanmoins que par la qualite des hommes et je souhaite beneficier de l’apport « d’hommes d’etat », en tout cas impregnes par la culture d’etat.

Donc, mon programme ne vaut que par la qualite des hommes qui sont appeles a l’executer. A tous les niveaux du reste : gouvernement wilaya, corps diplomatique, secteur economique, social, culturel, etc…

L’etat est a refaire. J’ai la ferme volonte de m’attaquer a une mission qui parait de prime abord impossible. Quels que soient les cas de figure, personne ne pourra jamais dire que je n’ai pas essaye avec loyaute, avec courage, avec franchise, et vis-a-vis du soutien populaire, dans la transparence la plus totale.

Question : des dizaines de projets d’investissements d’operateurs algeriens pouvant generer des milliers de postes d’emploi attendent toujours le feu vert de l’agence de promotion et de soutien a l’investissement (Apsi) qui dure souvent plusieurs mois, y a-t-il des mesures concretes pour la levee des obstacles administratifs pour la relance de l’investissement du secteur prive ?

Reponse : je vous ai deja repondu. J’ajoute que la renovation de l’administration, la promotion, dans les faits, d’une culture d’initiative et de responsabilite, le developpement des capacites manageriales, constituent les voies incontournabnles pour aider les investisseurs et les createurs a donner la pleine mesure de leurs capacites.

Il s’agit en fait d’objectifs strategiques que le pays s’assigne et que les pouvoirs publics doivent tout mettre en oeuvre pour les atteindre. Le soutien a l’investissement devient une priorite nationale. Car, au-dela de l’indispensable stabilisation, seule la relance de la croissance permettra de venir a bout des problemes economiques et sociaux.

Maintenant, je dois vous dire en toute franchise que ni l’apsi, ni les holdings, ni l’organisme de privatisation, ni le delegue aux participations ne sauraient continuer a etre plus longtemps des obstacles a la fluidite des investissements quelquefois des goulots d’etranglement des appareils budgetivores et dont la mission n’est pas toujours bien percue par les operateurs et qui,dans certains cas, se sont laisses entrainer vers un favoritisme a tout le moins suspect et interrogateur.

De deux choses l’une : ou ces structures inscrivent leur action dans l’efficacite et le respect du droit ou elles doivent disparaitre comme ont disparu avant eux d’autres structures qui ont fait preuve de carence et d’inefficacite.

Il n’y a la aucune gageure.une loi n’est pas un verset coranique un decret encore moins. L’un et l’autre peuvent etre changes a n’importe quel moment et quand une medecine a echoue, il faut promptement en essayer une autre.

Mon propos n’est pas fortuit. C’est un avertissement qui s’adresse a qui de droit. Nulle personne n’est assez grande pour jouer aussi longtemps et avec une telle desinvolture avec les interets superieurs de l’etat. C’est qu’il s’agit de l’Algérie, c’est qu’il s’agit du peuple algerien. Si les uns ou les autres ont oublie ce que l’algerie et le calvaire du peuple algerien signifient, les institutions et les lois de la republique sont la pour le leur rappeler. Le chomage est une plaie. Peut etre n’en connait-il la douleur que celui qui en souffre directement et qui n’est pas necessairement place derriere le confort d’un bureau climatise. La crise du logement est une crise tres grande.

Seuls les hittistes et les sans-domicile-fixe peuvent nous dire de quoi ils souffrent. Les preoccupations de scolarisation des enfants algeriens depassent de loin la solennite des discussions de salon. Un algerien qui n’a plus la possibilite de se soigner chez lui faute de moyens est une honte pour la societe entiere.

Voila quelques problemes simples qui interpellent la conscience de chacun, -qui interpellent la conscience de tous. Si les uns comme les autres voulaient loyalement, honnetement, se donner la main pour s’attaquer a ces problemes, l’Algérie n’est ni mieux pourvue, ni moins bien pourvue que d’autres pays freres qui, avec des organismes moins pompeux, sont alles droit a la solution des problemes.

Pourquoi faut-il que les algeriens, pourtant si capables de creativite, s’obstinent-ils a reinventer sans cesse et toujours le fil a couper le beurre. Nous avons autrefois- et les circonstances etaient fort heureuement meilleures- aussi bien reussi dans la construction d’une societe socialiste que l’URSS ou la Yougoslavie.

En aucune maniere, nous n’avons le droit de mal negocier le virage du passage a l’economie de marche par la serie interminable des reformes et des contre-reformes qui n’ont existe nulle par ailleurs, qui ne nous offrent aucun precedent de reforme, pour s’en servir chez nous comme si l’Algérie etait encore et toujours sinon un laboratoire, du moins un cobaye.

Le moment est venu pour les uns comme pour les autres, soit de faire leur travail et il sera mesure a l’efficacite, a l’integrite, a la capacite et la qualite de production,soit a se demettre pour aller cultiver leur jardin.

L’Algerie appartient aujourd’hui a tous les algeriens. Chacun, les plus humbles surtout, ont leur mot a dire. Aucun d’entre eux ne demande l’impossible. Aucun d’entre eux n’est aujourd’hui a meme d’accepter que les uns ou les autres continuent a le traiter en mineur et a dilapider les richesses de son pays : a tuer ses chances, a faire mourir en lui l’espoir. L’algerien n’a pas de pays de rechange.

Ceux qui ont choisi de le servir doivent desormais se mettre dans l’idee que c’est bien un privilege, un honneur que personne ne leur impose mais que s’il l’ont choisit deliberement, ils ont juste et tout juste le droit de cesser de se servir.

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