Année de l’Algérie: Les médias français changent de ton

Année de l’Algérie en France

Les médias français changent de ton

Kader Hannachi, Quotidien d’Oran, 21 décembre 2002

Il semble loin le temps où la journaliste Houria Fekaïri dénonçait sur la Chaîne 3, il y a plus de deux mois: «le silence des médias français» sur la saison culturelle algérienne, El-Djazaïr 2003, en France. «L’Année», comme on dit à Alger, pour souligner l’importance que revêt cet événement aux yeux du pouvoir algérien, occupe progressivement les espaces des journaux hexagonaux.

Les débuts, il est vrai, n’ont pas été très heureux. La programmation de l’Algérie parmi les sujets politiques et culturels majeurs de l’année 2003 en France ont fait ruer deux journaux parisiens sur des sujets explosifs comme l’«empire» Khalifa ou celui des «généraux». Mais ils ont été vite oubliés. Après la visite de Dominique de Villepin à Alger, mardi dernier, les choses semblent même s’être améliorées. La chaîne info LCI déplace son émission «Un jour dans le monde» à Alger et donne la parole au chef de la diplomatie française qui affirme «sa confiance dans les réformes politiques et économiques entamées par le Président Bouteflika». Toujours sur LCI, mais quelques jours plus tard, Pierre-Luc Séguillon invite l’imam de la mosquée de Paris, le très officiel Dalil Boubakeur. Il commente un sujet franco-français: la création prochaine d’une représentation du culte musulman en France. Mais n’omet pas de parler de l’Algérie, de l’horreur islamiste radicale qu’elle a vécue et de ses convictions en faveur de la «tolérance» et «l’intégration de l’Islam dans la République».

Dans «Le Monde», jeudi dernier, un article de Florence Amalou et de Samy Mouhoubi, faisait le point sur les chaînes privées algériennes installées en France «pour tisser les liens entre les six millions de Maghrébins vivant en France et l’Algérie». Expliquant en filigrane que la création de ces chaînes, KTV et Beur TV notamment, ont l’accord tacite des gouvernements français et algérien, l’article peut-être comptabilisé parmi les écrits favorables aux relations bilatérales entre Alger et Paris, les journalistes ne s’étant pas intéressés, notamment pour le cas de KTV qui appartient à un Algérien non résident en France, aux raisons qui incitent des nationaux à monter une chaîne télé à l’extérieur de l’Algérie.

La balance, donc, paraît en passe d’être nettement équilibrée. Cela, même si les sujets qui fâchent ne tarderont pas à réapparaître. Trop de sujets dans notre pays demeurent, en effet, tabous ou non-dits pour qu’ils ne fassent pas parler d’eux durant douze mois de débats et de discussions sur un pays aussi passionnant pour la France que l’Algérie. Le hic est que la critique risque de ne pas venir uniquement de journaux français ou d’opposants algériens confirmés, elle peut aussi venir des Algériens et de ceux-là mêmes qui ne craignent pas le paradoxe de participer à l’événement en question en doutant des desseins politiques du pouvoir algérien. Jeudi dernier, toujours, «Le Monde» publiait «Algérie: les créateurs entre méfiance et espoir», un article de Catherine Bédarida consacré à la préparation en Algérie, d’El-Djazaïr 2003. Maissa Bey, écrivain, y déclare: «l’Algérie connaît une crise de confiance terrible (…) Bien des gens pensent que cette année ne servira qu’à attribuer des voyages et des subventions aux éternels privilégiés». Plus carré, H’mida Ayachi, rédacteur en chef au journal El-Youm, affirme que: «le clan au pouvoir veut utiliser l’année pour soigner son image de marque envers la France». Le clou est enfoncé par Cherif Ziani Ayad, dramaturge associé de près à l’Année Algérie. Il déclare: «nous sommes entre le marteau et l’enclume. En France, on nous reproche d’incarner l’Algérie officielle. En Algérie, on nous accuse de faire nos choix en dehors du théâtre institutionnel. L’Année de l’Algérie est une opération de charme, un outil politique. Mais 2003 peut bousculer (…) les barons qui ont pris le théâtre algérien en otage». Sans commentaire.

Kader Hannachi